17 juin 2008

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Economie juridique Résolution de contrats informatiques

Economie juridique Une nouvelle déclinaison des conséquences de la résolution de contrats informatiques Difficultés d’exécution d’un contrat d’intégration à prix forfaitaire… Deux sociétés ont conclu fin 1999 un contrat d’intégration de système informatique et de licence, pour un montant forfaitaire de 679.000 €, associé à la fourniture de prestations d’hébergement et de maintenance. L’intégration du module de gestion du système s’avère plus difficile que prévue. Bien que le client accepte le paiement de compléments par rapport au prix forfaitaire (68.600 € puis 58.600 €), le projet est retardé et le module de gestion, installé sur certains sites du client, ne fonctionne qu’avec des temps de réponse très inférieurs aux engagements de l’intégrateur. Alors que ce dernier demande un nouveau supplément de prix pour corriger ces défauts, le client engage une procédure de référé expertise. A l’issue de celle-ci, le client assigne l’intégrateur au fond devant le Tribunal de commerce. Celui-ci prononce la résolution du contrat aux torts de l’intégrateur, ordonne la restitution des sommes versées par le client (854.843 €) et lui accorde une somme de 309.580 € au titre des coûts engagés dans le cadre du projet ainsi que 400.000 € en réparation des conséquences du retard du projet.(1) L’enjeu Le montant des préjudices retenus par l’arrêt est celui qui avait été retenu par le rapport d’expertise technique, ce qui confirme l’importance de celui-ci en la matière. Dont les conséquences de la résolution sont limitées en appel Saisie par l’intégrateur, la cour d’appel de Lyon confirme la résolution du contrat en considérant que les défauts de performance, constatés pendant l’expertise, dont la correction n’est pas justifiée, constituent une grave inexécution des engagements de l’intégrateur justifiant la résolution. Rappelant que la résolution judiciaire doit avoir pour effet de rétablir les parties dans la situation qu’ils auraient connu si les obligations contractuelles n’avaient pas été souscrites (2), l’arrêt confirme la restitution des sommes versées à l’intégrateur (854.843 €), ainsi que l’indemnisation du client au titre des coûts internes engagés dans le cadre du contrat (309.580 €) (3). Cependant, contrairement à la décision de première instance, l’arrêt refuse de prononcer l’indemnisation du client au titre des gains de productivité non réalisés pendant la durée du retard du projet (790.000 € demandés). L’arrêt considère en effet, que le client ne peut demander simultanément la résolution du contrat et à être indemnisé du « préjudice résultant de sa remise dans la situation antérieure au contrat ». En effet, avant la signature du contrat, le client n’avait pas encore supporté les conséquences du retard dans son projet informatique. Mais, si la résolution implique de replacer les parties dans la situation antérieure au contrat, c’est à dire la restitution réciproque des paiements et livraisons contractuelles, elle ne s’oppose pas à ce que les conséquences de l’exécution fautive du contrat, telles que les coûts engagés inutilement dans le cadre de de celui-ci, ou les gains non réalisés en raison du retard du projet, soient également réparés (4). La réparation des coûts engagés dans le cadre du projet est d’ailleurs prononcée par l’arrêt alors que ces coûts n’auraient pas non plus été supportés si le contrat n’avait pas été conclu. Dans une autre affaire récente (5) la Cour d’appel de Lyon avait même indemnisé un intégrateur de la marge qu’il aurait réalisé sur la maintenance, à l’issue de l’exécution du contrat résolu. Les conseils Par contre, le chiffrage de la demande de réparation écartée par l’arrêt (790.000 €) n’était pas suffisamment justifiée selon celui-ci, ce qui a probablement pesé dans l’appréciation restrictive des conséquences de la résolution retenue par la Cour. (1) TC de Saint-Etienne, 44/10/2006 (2) C civ., art. 1184 (3) CA Lyon 3e Ch. Civ., 22/03/2007 (4) CA Paris 25e Ch. A, 22/02/2002 ; CA Paris, 25e Ch. B, 02/07/2004 (5) CA Lyon, 3e Ch. civ., 23/02/2006 Paru dans la JTIT n°71/2007

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Economie juridique – Redevances de terminaison d’appels

Economie juridique Détournement de redevances de terminaison d’appels Un business modèle exploitant une faille des forfaits illimités Depuis une dizaine d’années en France, avec l’ouverture à la concurrence du secteur de la téléphonie et la régulation des tarifs d’interconnexion des différents opérateurs, celui qui assure l’acheminement d’une communication depuis le point d’interconnexion avec le réseau de l’opérateur ayant acheminé l’appel, vers le client final, perçoit de l’opérateur pour lequel il assure cette prestation, le cas échéant, une redevance dite de terminaison d’appel. Avec le développement des forfaits téléphoniques illimités, un éditeur de site internet s’est rapproché de deux opérateurs de téléphonie « alternatifs » afin de créer, un service reposant sur le montage suivant : un site internet proposait à des internautes bénéficiant de tels forfaits de s’inscrire à un service de « chat » téléphonique, accessible à partir de numéros non surtaxés, attribués aux deux opérateurs. Les internautes, pour lesquels les appels vers ces numéros étaient gratuits, étaient incités à prolonger, indéfiniment, la durée de leurs communications en bénéficiant d’un reversement de 0,002 € par minute d’appel. Les deux opérateurs augmentaient ainsi, artificiellement, car le service de chat n’avait pas d’autre objet, les redevances de terminaison d’appel versées par les autres opérateurs. Ils en reversaient une quote-part à l’éditeur du service qui rémunérait les utilisateurs en conservant une part des bénéfices. L’enjeu A défaut d’avoir justifié d’informations relatives à leur propre activité, les demandeurs obtiennent une indemnisation qui, quoique très importante, s’avère inférieure à leur préjudices réels. En l’espèce, la quote-part des charges de terminaison d’appel perçue par les deux opérateurs alternatifs n’est pas indemnisée. Considéré comme abusif et préjudiciable aux opérateurs Ayant constaté une augmentation exponentielle des charges de terminaison d’appels versées aux deux opérateurs, France Telecom et Orange ont assigné l’éditeur du service en cause, mais leurs demandes ont été rejetées en première instance (1). La Cour d’appel d’Angers, saisie par les opérateurs, a jugé au contraire que cette exploitation d’une faille technique par l’éditeur du service était abusive et commercialement déloyale, dès lors qu’elle n’avait d’autre objet que de détourner les règles concurrentielles en vigueur à son profit (2). Les demandes de réparation formulées par France Telecom et Orange visaient uniquement le remboursement des charges de terminaison d’appel versées indûment, soit respectivement 780.000 € et 340.000 € selon elles. Cependant, l’arrêt constate que les deux opérateurs historiques ne justifient que de la durée du trafic vers les numéros en cause, pour les années 2004 et 2005, alors que le service a été interrompu en 2006. L’arrêt ne retient donc que le nombre d’heures de communications illicites justifié (1.704.170 heures !). En outre, ni le montant des redevances versées aux deux opérateurs « alternatifs » au titre du service, ni le tarif de ces versements, ne sont justifiés par les opérateurs historiques. A défaut de ces éléments, l’arrêt considère les tarifs des reversements des opérateurs « alternatifs » à l’éditeur du service (0,54 € par heure) et, après déduction du montant reversé aux utilisateurs (0,025 € par heure), chiffre le montant des bénéfices indûment réalisés par l’auteur des pratiques, soit 877.647 € (0,515 € X 1.704.170 heures). Ce montant (arrondi à 879.000 €) est retenu comme préjudice indemnisable des opérateurs historiques, dont l’indemnité est fixée respectivement à 604.000 € et 275.000 €. Le conseil Le demandeur doit justifier précisément de ses préjudices, tout particulièrement lorsque cette justification peut ressortir de sa propre comptabilité. (1)TC Angers, 17/05/2006 (2) CA Angers 1ère Ch. A 9 octobre 2007, France Telecom et Orange c. Afone Paru dans la JTIT n°72/2008 p.9

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Archive JTIT 52 economie juridique

Economie juridique L’exécution d’une décision provisoire génératrice de responsabilité L’exécution provisoire peut avoir de lourdes conséquences… Par une ordonnance de référé du 18 mai 1992, un commerçant est condamné sous astreinte à cesser son activité commerciale, au motif qu’elle serait exercée en contravention d’une clause de non-concurrence. Les bénéficiaires de cette ordonnance la font signifier au commerçant, qui devient donc tenu de l’exécuter. Compte tenu de l’astreinte financière élevée dont est assortie cette décision, le commerçant cesse effectivement son activité, tout en faisant appel de l’ordonnance. L’ordonnance de référé est une décision provisoire, qui n’a pas l’autorité de la chose jugée. Lorsqu’elle est signifiée, elle devient exécutoire de droit, mais à titre provisoire et peut être infirmée en appel. C’est pourquoi elle peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, afin que son bénéficiaire puisse répondre de toute restitution ou réparation ultérieure (1). L’article 31 de la loi du 9 juillet 1991 précise même que l’exécution d’une décision provisoire est poursuivie aux risques du créancier Les enjeux Cet arrêt de l’Assemblée plénière semble admettre, en application de la loi du 9 juillet 1991, le principe de la responsabilité civile sans faute de celui qui poursuit l’exécution d’une décision provisoire. …que le bénéficiaire de la décision peut être condamné à réparer Or, l’ordonnance de référé est infirmée par la cour d’appel et le commerçant saisit le tribunal pour obtenir la réparation du préjudice résultant de l’exécution de l’ordonnance, laquelle lui est accordée. Mais ce jugement est lui-même infirmé en appel, puis l’appel cassé en juillet 2003 (2). L’affaire est renvoyée devant une seconde cour d’appel qui statue pourtant dans le même sens que la première. Le commerçant forme alors un nouveau pourvoi en cassation, renvoyé devant l’Assemblée plénière. Cette dernière, par son arrêt du 24 février 2006(3), au visa de l’article 31 de la loi du 9 juillet 1991, réaffirme que celui qui poursuit l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire le fait à ses risques, à charge « d’en réparer les conséquences dommageables » si la décision est ultérieurement modifiée. Ainsi, l’affaire est renvoyée une nouvelle fois devant une Cour d’appel, qui devrait, en principe, plus de quatorze ans après la cessation d’activité du commerçant, conduire à la réparation définitive de son préjudice. Signalons en outre qu’une procédure au fond avait peut être été engagée parallèlement, par les bénéficiaires de l’ordonnance, pour obtenir la réparation de leur propre préjudice résultant de la violation de la clause de non concurrence jusqu’à la cessation d’activité… Les conseils La décision de faire exécuter une décision exécutoire à titre provisoire doit donc être prise, par son bénéficiaire, uniquement après avoir apprécié sa probabilité d’annulation et les conséquences potentielles de cette annulation. (1) Articles 484 à 489 et 514 à 517 du Nouveau Code de procédure civile. (2) Cass. civ. II. 10/07/2003, Bull. 2003 II n°244. (3) Cass. Plén. 24/02/2006, arrêt n°533 P. Paru dans la JTIT n°52/2006 p.7

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Economie juridique JP Google

Economie juridique Le générateur de mots clés de Google pris en faute une nouvelle fois Une procédure engagée par un syndicat professionnel et 28 sociétés En novembre 2005, la société Google France a une nouvelle fois été assignée au titre de l’exploitation commerciale de son générateur de mots clés dénommé « adwords », par lequel elle propose aux annonceurs de réserver des mots clés qui permettront l’affichage de liens commerciaux vers leur site internet, alors que des noms de marques figurent parmi les mots clés proposés. Ainsi, le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’Equipements Ménagers (GIFAM), a constaté que Google exploitait à titre de mots clés, sans leur accord, les marques de 28 de ses adhérents. Les 28 sociétés se joignent alors au GIFAM pour demander au Tribunal de grande instance de Paris de condamner Google à leur payer, à chacune 50 000 € au titre de la contrefaçon, 30 000 € pour actes de parasitisme, 30 000 € pour atteinte à leurs marques, 20 000 € pour usurpation de leur dénomination sociale (sauf 2 sociétés), 30 000 € pour atteinte à leur nom de domaine (sauf 7 sociétés), 30 000 € pour publicité mensongère, 50 000 € pour faute civile et 20 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile. Une expertise est également demandée par le GIFAM pour chiffrer ses préjudices ainsi que la publication de la décision. L’enjeu L’action menée par le syndicat professionnel dans l’intérêt collectif de ses membres et par certains de ses adhérents s’avère peu efficace pour indemniser chaque victime individuellement. Qui se solde par une lourde condamnation collective Les demandes de réparation formulées à l’encontre de Google atteignent la somme totale de 6 310 000 €. Cette fois, le Tribunal ne retient pas, à l’encontre de Google, la contrefaçon de marque ni les autres atteintes aux signes distinctifs invoquées, en considérant que ce sont les annonceurs qui décident de mettre en relation les signes distinctifs et leur site internet et non pas Google. La responsabilité civile du moteur de recherche est cependant retenue pour ne pas procéder au contrôle des droits des annonceurs sur les mots clés et pour publicité mensongère (1). Le tribunal apprécie souverainement l’étendue des dommages invoqués et accorde, au GIFAM, 30 000 € pour l’atteinte aux intérêts collectifs de ses adhérents, 30 000 € pour l’atteinte à l’image de ses adhérents et à chacune des sociétés demanderesses, 10 000 € pour atteinte à leur image. Il ordonne également la publication de la décision à concurrence de 25 000 €. Le moteur de recherche est donc condamné à payer une somme de 340 000 € de dommages et intérêts, 20 000 € pour frais de procédure et 25 000 € de frais de publication, soit 385 000 € au total, ce qui constitue à ce jour une des plus lourdes condamnations encourrues par Google en la matière, sous réserve d’appel. Cependant, chaque société demanderesse obtient individuellement une faible indemnisation de ses dommages (10 000 €), alors que les demandes respectives s’élevaient, pour les plus élevées d’entre elles, à 230 000 €. Les conseils Les demanderesses ne semblent cependant avoir justifié ni de l’existence ni de l’étendue de leurs dommages respectifs, ce qui leur aurait certainement permis d’obtenir une réparation plus significative. TGI Paris, 3ème ch. 3ème sect., 12/07/2006, GIFAM et 28 sociétés c. Google France Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°57/2006

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Economie juridique JP inexécution contractuelle

Economie juridique L’inexécution totale d’un contrat assimilé à une faute lourde Le client qui paye le prix d’un service qui ne fonctionne pas… Un fournisseur d’accès à internet situé en Grèce a signé avec une société française, un contrat de fourniture de capacité de transmission de données par le satellite Eutelsat W2. Alors que le contrat est entré en vigueur, le démarrage du service est retardé en raison du délai nécessaire à l’obtention d’une licence d’exploitation auprès de l’autorité de régulation grecque. Pour pouvoir exercer son activité, le client doit conclure un contrat de substitution pour la fourniture d’une capacité de transmission à partir d’un autre satellite, exploité par une société disposant déjà de la licence nécessaire. Après obtention de la licence d’exploitation, le client demande le transfert de la transmission du satellite de substitution au satellite Eutelsat W2. La transmission se révèle techniquement impossible à mettre en œuvre à partir de ce dernier satellite. Le client résilie alors ce contrat et poursuit son activité à partir du satellite de substitution, dont le coût est beaucoup plus élevé. Le Tribunal de commerce de Paris a écarté ses demandes d’indemnisation en considérant que la rupture du contrat n’était pas imputable au fournisseur (1). L’enjeu Une décision favorable au client sur la qualification de la faute lourde du fournisseur, de nature à écarter l’application des clauses limitatives de responsabilité. …peut être indemnisé du prix payé sans contrepartie et du surcoût lié au service de substitution mis en place La Cour d’appel de Paris (2) considère tout d’abord que le client ne peut formuler de demande au titre de la période précédant l’obtention de la licence, dès lors qu’il lui appartenait de l’obtenir et que les parties avaient convenu de l’entrée en vigueur du contrat en dépit du retard de délivrance de la licence. Le fournisseur ne s’était engagé que sur une obligation de moyen, mais la Cour considère que l’absence de mise en service constitue une inexécution totale du contrat, assimilée à une faute lourde du fournisseur, car celui-ci ne rapporte pas la preuve d’avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour exécuter ses obligations contractuelles. Pour la Cour, cette faute lourde fait échec à l’application des clauses limitatives de responsabilité contractuelles, de nature « à contredire la portée de l’engagement contractuel et « à priver le contrat de toute efficacité ». Le client est indemnisé du surcoût du service de substitution (différence entre son prix et celui du service non mis en oeuvre), à partir de l’obtention de la licence, soit 315.965 €. La Cour lui accorde également la restitution du prix payé au fournisseur, de la date d’obtention de la licence à la date de suspension des paiements (99.650 €). Ces indemnisations reviennent à lui octroyer le bénéfice d’un service de transmission gratuit entre ces deux dates. Par contre, la Cour écarte la réparation de la perte de marge et des investissements informatiques engagés, puisque le service a fonctionné normalement, depuis l’obtention de la licence, grâce au service de substitution. Les conseils La mise en œuvre des moyens permettant de limiter le préjudice est non seulement une nécessité économique mais s’avère favorable dans le cadre de l’action en responsabilité. (1) TC Paris, 17 février 2004, Com To Net c. France Telecom et Globecast France. (2) CA Paris 25eme ch., section B, 28 avril 2006, Com To Net c. France Telecom et Globecast France Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°58/2006

Correspondant à la protection des données, Informatique et libertés

Le nouveau logo de la Cnil pour les Cil

La Cnil innove en créant un logo qu’elle met à disposition des sociétés ayant désigné un Correspondant Informatique et Libertés (Cil). Ce logo permet aux entreprises d’afficher, sur l’ensemble de leurs supports, leur politique de transparence et de conformité informatique et libertés. Un précieux outil qui peut être utilisé comme facteur de différenciation.

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Economie juridique JP Liens sponsorisés

Economie juridique Une appréciation plus nuancée des conséquences dommageables des liens sponsorisés Les liens peuvent pointer vers des services « authentiques » Les sociétés Overture Services et Overture ont fait appel de la décision du Tribunal de grande instance de Nanterre du 17 janvier 2005 (1) qui les avait condamné à payer 200.000 euros de dommages et intérêts à la société Accor pour contrefaçon de plusieurs de ses marques au travers de leur système de référencement payant sur internet, utilisant ces marques à titre de mots clés. En première instance, Accor avait estimé ses préjudices à 46 millions d’euros. En appel, ses demandes de réparation se limitent à la somme de 2 millions d’euros, répartie en cinq préjudices de 400.000 euros chacun, invoqués au titre d’actes de contrefaçon, de publicité trompeuse, de parasitisme commercial, d’atteintes à sa dénomination sociale et à ses noms commerciaux. Les éléments justifiant l’existence, l’origine et l’étendue de ces cinq dommages d’un montant identique ne sont pas précisés dans la décision. Sur le fond, la Cour d’appel de Versailles (2) considère que l’usage d’une marque à titre de mot clé, constitue un acte de contrefaçon uniquement lorsque les liens commerciaux ne donnent pas accès à des « services authentiques » de la marque, (en l’espèce, des services de réservation pour les hôtels du groupe Accor, la société Accor n’en ayant pas le monopole) et lorsque cet usage a été fait dans l’intention d’en tirer indûment profit. L’enjeu La preuve de la faute et des dommages doit être rapportée au cas par cas et elle ne suffit pas à démontrer l’étendue des préjudices. Ce qui peut contribuer à compenser une partie des préjudices subis En conséquence, la décision analyse chaque procès verbal de constat produit par Accor pour déterminer si les liens sponsorisés proposaient l’accès à des « services authentiques » de chaque marque et, à défaut, s’il est prouvé que les liens ont été conçus pour tirer indûment profit de la notoriété de la marque. Cette analyse détaillée conduit la Cour à retenir la contrefaçon invoquée pour sept des quatorze marques en cause. Pour apprécier les préjudices, la Cour observe que la preuve d’un usage intensif des marques et des mots clés n’est pas rapportée et que tous les internautes qui consultent les liens incriminés n’effectuent pas une réservation dans un hôtel concurrent. La décision souligne en outre que plusieurs des liens en cause ont assuré la présentation et la promotion de services « authentiques » de la demanderesse, ce dont elle a bénéficié. Cependant, la Cour considère que les actes de contrefaçon ont nécessairement causé un affaiblissement du pouvoir distinctif des marques, une déperdition des investissements et une perte de chiffre d’affaires. Sans qualifier les dommages subis ni recourir à une évaluation chiffrée, comme dans les affaires précédentes, la Cour accorde à la société Accor une réparation de 140.000 euros et 20.000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile. L’analyse de l’impact dommageable des liens en cause s’affine au fil des décisions et cet arrêt de principe relève que le titulaire d’une marque, utilisée par des tiers à titre de mot clé pour des liens commerciaux, peut également en tirer un certain profit pour ses services authentiques. Les conseils Les constats établis sur des liens hypertexte doivent avoir une profondeur d’analyse suffisante. Le défendeur doit toujours envisager ce dont la victime de la faute a pu tirer profit. (1) TGI Nanterre, 17/01/2005, Accor c. Overture et Overture Services Inc. (2) CA Versailles 12eme ch., 2 novembre 2006, Accor c. Overture et Overture Services Inc Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°59/2006 p.8

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Economie juridique jurisprudence frais irrépétibles

Economie juridique Vers une indemnisation plus transparente des frais irrépétibles ? Une indemnité destinée à couvrir les frais de défense… Visés par l’article 700 du Nouveau code de procédure civile, les frais irrépétibles sont les frais engagés dans le cadre d’une procédure, non compris dans les dépens. Les dépens, énumérés à l’article 695 du NCPC, comprennent les frais engagés pour les besoins de l’instance, dont le tarif est réglementé et identique pour les parties : émoluments des officiers publics ou ministériels, débours des avoués, indemnités versées aux témoins, rémunération de certains techniciens… Les frais irrépétibles sont, par différence, ceux que les parties ont engagé librement pour assurer leur défense : honoraires d’avocats, frais de constats d’huissiers ou d’expertise amiable, etc. Dès lors que ces dépenses sont engagées et tarifées librement, elles ne peuvent être remboursées (« répétées ») systématiquement à la partie qui obtient gain de cause. Le juge condamne en principe la partie perdante au paiement des frais irrépétibles exposés par l’adversaire, mais il détermine souverainement le montant de l’indemnité, en tenant compte du montant exposé, de l’équité, ou de la situation économique de la partie condamnée, ce qui peut l’amener également à écarter l’application de l’article 700. Dont le caractère forfaitaire pourrait être remis en question L’indemnité versée au titre des frais irrépétibles ne vise donc pas la réparation d’un préjudice, mais tend au respect du principe de gratuité de la justice, sous le contrôle du juge chargé de tempérer les inégalités ou les excès. Dans la pratique, la nature de cette indemnité lui a conféré un caractère forfaitaire : les parties se dispensent de justifier leurs dépenses, dans la mesure où l’indemnité accordée couvre généralement une faible part des coûts réels. Cette situation pourrait évoluer avec un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris ne statuant que sur le montant d’une indemnité pour frais irrépétibles. Ayant été condamnées à verser 44.000 euros au titre de l’article 700, à l’issue d’une procédure en référé, les appelantes demandaient à la Cour de modérer cette condamnation, jugée inéquitable, injustifiée et disproportionnée. Pour rejeter cette demande, l’arrêt relève que les bénéficiaires de cette indemnité, en versant aux débats les notes d’honoraires des avocats ayant assuré leur défense, pour un montant de 44.247 euros, justifient avoir effectivement exposé les frais de défense dont elles demandaient l’indemnisation. Ainsi, cette décision pourrait tendre à limiter le caractère forfaitaire de cette indemnisation, en incitant les parties à mieux justifier leurs dépenses réelles, sans remettre en question le pouvoir de modération du juge. En l’espèce, la Cour a d’ailleurs considéré que l’équité justifiait de ne pas prononcer de condamnation, au titre de l’article 700, pour la procédure d’appel, alors que les intimées demandaient à ce titre, une somme complémentaire de 5.000 euros. Les conseils La justification des frais de défense engagés ne saurait garantir leur indemnisation intégrale, le juge conservant son pouvoir d’appréciation. Cette justification lui fournirait cependant de meilleurs éléments d’appréciation et pourrait conduire à une indemnisation plus complète, dans certains cas. Note CA Paris, 14ème ch., sect. A, o novembre 2006, Free et Iliad c/Neuf Telecom et Cegetel Paru dans la JTIT n°62/2007

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Economie juridique – La mise en demeure est-elle nécessaire…

Economie juridique La mise en demeure est-elle nécessaire pour obtenir des dommages et intérêts ? Le principe de l’obligation de mise en demeure … L’article 1146 du Code Civil dispose que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que lorsque le débiteur a été mis en demeure de remplir son obligation, sans distinguer entre les intérêts moratoires (destinés à réparer les conséquences du retard) et les intérêts compensatoires (destinés à réparer les conséquences de l’inexécution). La mise en demeure a pour objet d’inciter le débiteur à exécuter son obligation et elle constitue ainsi le point de départ du calcul des intérêts moratoires, pour lesquels elle est donc par nature impérative. L’obligation de mise en demeure en matière de dommages et intérêts compensatoires disparaît lorsque l’exécution n’est plus possible, c’est-à-dire lorsque ce qui devait être livré ne peut plus l’être(1) (par exemple des biens périssables), ou lorsque le débiteur a fait ce qu’il s’était engagé à ne pas faire(2). La mise en demeure ne sera pas non plus exigée si les parties en ont convenu expressément (3). Cependant, la Chambre mixte de la Cour de cassation a récemment considéré que, malgré l’absence de mise en demeure, une indemnisation compensatoire, d’un préjudice établi, pouvait être accordée à condition que les juges du fonds aient retenu que « l’inexécution du contrat était acquise » (4). Par cette décision, la chambre mixte semble donner les mêmes effets, en matière de mise en demeure, à « l’inexécution acquise » et à « l’exécution impossible » visée par l’article 1146 du Code civil. Ainsi, comme la mise en demeure perd sa fonction initiale, qui est de rappeler au débiteur qu’il doit s’exécuter, lorsque l’exécution est devenue impossible, elle perdrait son intérêt lorsque l’inexécution serait « acquise », et ne serait dès lors plus nécessaire. L’enjeu Cette décision pourrait avoir une incidence sur l’économie du contrat et doit attirer l’attention de toute partie contractante sur le rôle important de la mise en demeure. Pourrait être écarté en cas « d’inexécution acquise » Si toute inexécution constatée par le juge constituait une « inexécution acquise », dispensant le créancier de la mise en demeure en matière compensatoire, ce dernier serait à présent doté de la faculté de choisir entre la recherche de l’exécution de l’obligation, par la mise en demeure du débiteur, ou l’indemnisation ultérieure des conséquences de l’inexécution, à défaut de mise en demeure, et si l’obligation n’est pas exécutée spontanément. La mise en demeure, laissée au libre choix du créancier, perdrait alors une partie de sa fonction d’avertissement du débiteur, au risque d’alourdir les dommages effectivement subis. En outre, le créancier qui n’aurait pas mis en demeure le débiteur, en raison de son désintérêt pour l’exécution de l’obligation, n’aurait, en cas d’exécution tardive et spontanée du débiteur, plus aucune possibilité d’obtenir le paiement des intérêts moratoires.Mais la Chambre mixte a pu entendre donner une autre signification aux termes « d’inexécution acquise », telle que « reconnue par les parties », « irrémédiable », ou encore « irréversible », et les prochaines décisions en la matière devraient encadrer la liberté d’appréciation des juges du fond sur ce point. Le conseil La mise en demeure vise à favoriser l’exécution du contrat de bonne foi et permet de laisser une chance à la poursuite des relations contractuelles. Elle reste donc une protection efficace, tant pour les intérêts du débiteur, que pour ceux du créancier. (1) Art. 1146 du Code civil dernier alinéa (2) Art. 1145 du Code civil (3) Art. 1139 du Code civil (4) Cass., ch. Mixte, 6/07/2007 Paru dans la JTIT n°73/2008 p.10

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