juin 2008

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Economie juridique JP Indemnisation des préjudices

Economie juridique Comment justifier le montant d’un manque à gagner ? Promotion de moyens de fraude à la télévision payante… Un site internet a proposé, de juin à décembre 2001, des informations, des logiciels et des cartes permettant d’accéder gratuitement et frauduleusement aux programmes de plusieurs chaînes de télévision à péage et notamment de TPS. L’opérateur de télévision par satellite a poursuivi devant la juridiction pénale le particulier ayant créé et exploité ce site. Celui-ci a été condamné pour promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d’abonnés, mais le tribunal a débouté TPS de sa demande de réparation au titre d’un préjudice économique. La décision de première instance a été confirmée par la Cour d’appel de Paris, l’arrêt ayant considéré que les préjudices économiques invoqués avaient un caractère purement éventuel et qu’il n’était pas démontré qu’ils découlent de l’infraction. L’enjeu Il est généralement difficile de justifier le montant d’un manque à gagner. Les preuves matérielles sont inexistantes puisqu’il s’agit d’un événement qui ne s’est pas produit (un gain qui n’a pas été réalisé). Le juge du fond qui constate un préjudice doit le réparer TPS avait évalué ce préjudice à partir du nombre, connu, de visites effectuées sur le site frauduleux (80 000). Elle considérait ensuite que 5% de ces visiteurs (soit 4 000 personnes) avaient dû effectivement accéder gratuitement à ses programmes, pendant 6 mois (durée de fonctionnement du site), qu’elle proposait alors pour 25 euros par mois. Elle chiffrait son préjudice à 600 000 euros (4 000 X 25 € X 6 mois). Pour écarter la réparation de ce préjudice, la cour d’appel avait relevé que son évaluation reposait sur une double hypothèse : celle du nombre de visiteurs ayant effectivement mis en œuvre les moyens proposés, fixé arbitrairement à 5% des visiteurs, et le fait que ces fraudeurs auraient souscrit un abonnement à ses programmes. La cour de Cassation souligne que l’arrêt d’appel, en constatant que de nombreuses personnes avaient eu accès au site promouvant les moyens de captation des programmes, avait lui-même reconnu l’existence du préjudice invoqué. Dès lors, rappelant qu’il appartient aux juges du fonds de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont ils reconnaissent l’existence, la cour casse l’arrêt en considérant qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher l’étendue de ce préjudice et d’en prononcer la réparation, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation. Les conseils La Cour de cassation rappelle régulièrement qu’il découle de l’article 1382 du Code civil que tout préjudice dont l’existence est reconnue doit être réparé. La demande de réparation doit donc d’abord s’attacher à : démontrer que les faits sont nécessairement à l’origine d’un gain manqué, puis fournir à la juridiction les informations permettant d’en estimer l’étendue le plus précisément possible. (1) Cass. crim. 8 mars 2005, TPS c. L.V. (2) CA Paris 13eme Ch., 14 mai 2004 Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°39/2005 p.3

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Economie juridique Jurisprudence La résolution d’un contrat de fourniture de système informatique pour vice caché Résolution des contrats sur fondement de garantie des vices cachés La société Cogim qui avait fait l’acquisition de matériels et de logiciels informatiques auprès de la société Unisys France, en 1993, a assigné cette dernière en résolution des contrats de vente et de licences de la configuration informatique livrée, en raison de dysfonctionnements rendant le système impropre à l’usage (1). Sur le fondement de la garantie des vices cachés (art. 1641 du Code civil), la Cour d’appel de Paris(1) a prononcé la résolution des contrats aux torts exclusifs de la société Unisys France et l’a condamné à lui rembourser les sommes payées au titre de la formation et de la maintenance (45 234 €) et à l’indemniser de ses préjudices (464 388 €). La cour d’appel n’a pas ordonné la restitution du prix des matériels fournis (338 717 €) car ceux-ci ont été revendus par Cogim et ne pouvaient être restitués au fournisseur en contrepartie. Elle a par ailleurs considéré que la société Cogim était redevable des factures non payées à Unisys (161 416 €) et a ordonné la compensation. La Cour de Cassation censure l’arrêt de la cour d’appel au motif que la résolution des contrats ne pouvait être prononcée du fait que la vente du matériel par l’acquéreur rendant impossible sa restitution. L’enjeu Pour obtenir la résolution d’un contrat de fourniture de système informatique pour vice caché, il est nécessaire d’être en mesure de restituer le matériel et les logiciels fournis en exécution du contrat. L’évaluation des préjudices par l’expert a été intégralement retenue La Cour de cassation (2) a en effet estimé que cette décision violait l’article 1644 du Code civil relatif aux vices cachés qui soumet la restitution de la totalité du prix à la restitution de la chose vendue. Mais en l’espèce, la Cour suprême en a tiré argument pour censurer la résolution elle-même, alors que celle-ci ne s’accompagnait pas de la restitution de la totalité du prix. Par ailleurs l’arrêt de la Cour d’appel avait curieusement ordonné le paiement (par compensation) des sommes dues par Cogim au titre du contrat, tout en prononçant sa résolution. Il est intéressant de souligner que la Cour d’appel avait retenu la totalité des préjudices évalués par l’expert judiciaire et notamment des frais de personnel interne, pour 265 051 € ainsi qu’un préjudice commercial (perte de clientèle), pour 150 594 €. Le montant des frais de personnel interne n’a pas été contesté quant bien même l’expert indiquait « qu’il n’avait pu vérifier qui travaillait sur le matériel ». La cour d’appel a considéré qu’il « a justifié cette évaluation en retenant que le maintien de ce matériel nécessitait plusieurs personnes et que l’estimation par la SA Cogim était correcte, en rappelant l’identité des personnes employées ». Les conseils Les conclusions du rapport d’expertise sur l’évaluation des préjudices subis peuvent être déterminantes pour l’indemnisation obtenue.La réparation peut porter sur d’importants coûts de personnels internes correspondant au temps consacré au projet, même si ces coûts auraient été supportés en toute hypothèse, lorsqu’ils sont justifiés. Notes (1) CA Paris, 25e ch. civ. Sect. B, 22 juin 2001 (2) Cass. com. 1er mars 2005, n° de pourvoi 01-15007 Paru dans la JTIT n°40/2005 p.7

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Economie juridique JP 41

Economie juridique Jurisprudence La démonstration de l’existence des dommages invoqués ne suffit pas toujours Conséquences de la location d’une solution informatique défectueuse Dans le courant de l’année 2000, une agence immobilière a conclu des contrats de location de matériel informatique avec la société Espace Infocom, qui a procédé à l’installation matérielle et logicielle du système. La solution rencontre de multiples dysfonctionnements que ni le loueur de matériel, ni la société chargée d’assurer sa maintenance, ne parviennent à résoudre. Le client décide de cesser d’honorer ses loyers et saisit le tribunal de commerce en réparation d’un préjudice estimé à 129 959 €. Le tribunal a condamné Espace Infocom à payer à son client la somme de 63 800 euros TTC à titre de dommages et intérêts (1). Le loueur du matériel ayant saisi la Cour d’appel d’Amiens de cette décision, l’agent immobilier porte sa demande de réparation à la somme de 705 881 euros. Selon la Cour, cette demande porte sur les investissements et les dépenses engagés par un site ayant dû être fermé suite aux difficultés (28 159 € et 11 048 €), une perte de chiffre d’affaires (567 083 €), un trouble commercial et une perte d’image (50 000 €) et les coûts de renouvellement du matériel (22 326 €). Le montant total de ces demandes ne correspond pourtant pas au total indiqué par la Cour (678 615 € seulement, soit une différence de 27 265 €). L’enjeu La démonstration de l’existence des dommages invoqués ne suffit pas à obtenir leur réparation. La décision a sans doute considéré que le manque à gagner ayant pour origine les dysfonctionnements était en réalité minime, voire inexistant. Une réparation très faible pour les dommages retenus La Cour retient la faute contractuelle du loueur du matériel qui n’a pas remis à son locataire un bien en état normal de fonctionnement (2). Pour apprécier les demandes de l’agent immobilier, elle souligne que les dysfonctionnements sont à l’origine de pertes de temps et d’efficacité ayant nuit à son image et d’un manque à gagner. Elle considère que le renouvellement du matériel est justifié mais estime non démontré le lien de causalité entre la fermeture du site et les dysfonctionnements. Dès lors, il semble que la Cour retienne l’existence des dommages suivants : perte de chiffre d’affaires, perte d’image et coûts du nouveau matériel, pour lesquels l’agent immobilier demande une somme totale de 630 409 €. Cependant, sans fournir plus de précision sur son évaluation des dommages, la Cour estime à seulement 30 000 € le montant total de l’indemnisation accordée. La victime des dommages obtient donc une indemnisation très inférieure à celle obtenue en première instance, et qui correspond seulement à 5% des dommages dont l’existence semble retenue. Les motivations ayant conduit la Cour à retenir ce montant sont inconnues, de même que le sort réservé à la somme de 27 265 € qui ne se retrouve pas dans le détail des dommages invoqués rapporté par la décision. Les conseils La démonstration de l’étendue des dommages repose autant sur une évaluation justifiée que sur la preuve de la causalité. Notes (1) TC Compiègne, 15 novembre 2002 (2) CA Amiens 27 juillet 2004 Espace Info-Com / Avenir Patrimoine Paru dans la JTIT n°41/2005 p.7

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Economie juridique Jurisprudence Bien gérer la phase précontentieuse d’un différend Des factures impayées pour un montant de 845 368 euros Transpac, filiale de France Télécom, fournit des prestations de collecte nationale de trafic internet à la société Nerim, fournisseur d’accès par ADSL.. Ce dernier ne s’estimant pas satisfait des conditions techniques et commerciales du service fourni, suspend le paiement de ses factures, puis prononce la résiliation du contrat. Après avoir mis en demeure Nerim de lui régler le solde de ses factures s’élèvant à 845 368 euros, Transpac saisit en référé le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement des factures à titre de provision. La suspension de l’obligation de paiement est ordonnée, sous réserve que Nerim engage une procédure au fond dans les huit jours (1). Saisie par Transpac de cette ordonnance, la Cour d’appel de Paris souligne que la demande de paiement de Transpac, qui produit le contrat et les factures, est justifiée dans son principe et dans son montant, alors que Nerim n’a contesté ni les factures, ni la mise en demeure de Transpac. Dès lors, la Cour estime que l’obligation de paiement pesant sur Nerim n’est pas sérieusement contestable au sens de l’article 873 du NCPC (2). L’enjeu La gestion de la phase pré-contentieuse d’un différend peut s’avérer lourde de conséquences. Contre une provision de 10 millions d’euros de dommages et intérêts En appel, Nerim invoque divers manquements de Transpac aux règles de la concurrence et estime avoir subi un préjudice considérable. Elle demande à la Cour de condamner Transpac à lui verser une somme de 10 millions d’euros à titre de provision sur les dommages et intérêts que le juge du fond devrait lui accorder, espérant ainsi obtenir la compensation entre sa dette et la créance invoquée. Mais la Cour relève que la créance indemnitaire invoquée par Nerim ne peut constituer une contestation sérieuse de son obligation de payer, car les griefs invoqués par Nerim et leurs conséquences sont eux-mêmes sérieusement contestables et relèvent du débat devant le juge du fond. L’arrêt infirme donc la décision de référé en toutes ses dispositions et condamne Nerim à payer à Transpac, à titre de provision, la somme de 845 368 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de Transpac (38 183 euros à la date de l’arrêt). La société Nerim est donc condamnée à payer la totalité des factures, dans l’attente du jugement au fond, à défaut d’avoir contesté celles-ci et d’avoir notifié son préjudice à son cocontractant avant de prononcer la résiliation du contrat. Les conseils Il est indispensable de contester dès réception toute facture émise par le cocontractant qui n’exécute pas correctement ses obligations et de lui notifier les préjudices qui résultent de ces inexécutions. Notes (1) TC Paris, ordonnance du 21 janvier 2004 (2)CA Paris 4 mars 2005 SA Transpac / SARL Nerim Paru dans la JTIT n°42-43/2005 p.7

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Economie juridique Jurisprudence Parodies, diffamations, injures et dénigrements sur le web : Quelles indemnisations? La modération des condamnations semble succéder à la sévérité Nouveau moyen de diffusion de l’information à la portée de tous les publics, l’internet s’est révélé dès ses origines comme un espace de liberté d’expression. Cette liberté s’exerce parfois au détriment des droits ou de l’image des entreprises lorsque les messages diffusés sont injurieux, diffamatoires ou dénigrants, à leur égard ou que l’utilisation caricaturale de leurs marques est à l’origine d’un risque de confusion. Les tribunaux sont amenés régulièrement à réparer les conséquences des abus constatés. La dernière décision rendue en la matière n’a accordé qu’un euro de dommages et intérêts à la société « Amen », victime d’injure publique sur un forum de discussion(1). Cette indemnisation symbolique est associée à une mesure de publication, mais celle-ci ne vise que le site internet de la société gérée par l’auteur des messages, concurrente de la victime et non celui où les messages étaient diffusés. La première condamnation importante (39 637 €) avait été prononcée en 2000 contre deux particuliers, en faveur de la RATP pour contrefaçon de marque et dénigrement(2). La condamnation la plus lourde (94 000 € frais de publication inclus) visait les animateurs d’un site de défense des consommateurs ayant diffusé ou laissé diffuser des propos injurieux, diffamatoires ou dénigrants à l’égard de la société Père-Noël.fr(3). La Cour d’appel de Paris a également sévèrement sanctionné (83 847 euros frais de publication inclus) une société pour avoir dénigré un concurrent et contrefait sa marque sur son site internet et par un lien hypertexte(4). L’enjeu L’impact des messages ou informations diffusées par internet peut être considérable pour l’image d’une entreprise, mais il dépend de multiples critères et en premier lieu, du nombre d’internautes qui ont pu en avoir connaissance. Mais les méthodes d’évaluation restent toujours aussi imprécises L’affaire Pernod Ricard(5) s’était déjà soldée par une condamnation plus mesurée (9 500 € frais de publication inclus). Pourtant, le point commun de l’ensemble des décisions rendues dans ce domaine reste l’absence quasi-totale d’explications concernant l’évaluation de l’étendue des dommages subis. Les demandeurs évaluent leurs dommages, sans les qualifier ni les justifier, par dizaines ou centaines de milliers d’euros (ou de francs avant 2002) et les juges arrondissent de même le montant des réparations, avant d’y ajouter le montant estimé des frais de publication. Seule la décision rendue en faveur de Pernod Ricard mentionne le nombre de visiteurs ayant consulté le site en cause pendant la période litigieuse, information pourtant indispensable pour estimer les conséquences de ces agissements. Celle-ci devrait être associée à toute autre information pertinente : statistiques de consultation des pages litigieuses, profil des visiteurs, relais de l’information par d’autres médias… Les conseils Dans le cadre d’une procédure civile visant la réparation du dommage, la victime doit obtenir la communication des statistiques détaillées de consultation du site et produire toute information utile à l’appréciation de son préjudice. Notes (1) TGI Paris, 7/03/2005, Amen c. Azuria et P.V. (2) TGI Paris, 21/03/2000, RATP c. L.M. et V.L. (3) TGI Lyon, 28/05/2002, Père-Noël.fr / F.M. et E.C. (4) CA Paris, 4e ch. 19/09/ 2001, NRJ c. Europe 2 Communication. (5) TGI Paris, 9/01/2004 Pernod Ricard et Pernod c. T.A. Paru dans la JTIT n°44/2006 p.7

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Economie juridique Jurisprudence La reproduction non autorisée du personnage d’un film se paye très cher Une campagne publicitaire diffusée sans autorisation préalable Un opérateur de téléphonie mobile et son agence de publicité ont utilisé un personnage qui ressemble fort à celui de « Leloo », créé par Luc Besson pour le film « Le cinquième élément », produit par la société Gaumont, dans le cadre d’une campagne de publicité de grande ampleur. L’annonceur et son agence ne démontrent pas qu’ils ont obtenu l’accord de l’auteur et du producteur du film pour la diffusion de cette campagne et le Tribunal de grande instance de Paris (1) juge que la reprise de certains éléments évocateurs du film constitue un acte de parasitisme. Ils sont condamnés à payer au producteur une somme de 300 000 euros de dommages et intérêts. L’agence de publicité, l’opérateur et l’auteur du film, débouté de sa demande au titre de la contrefaçon, font appel. L’enjeu Les conséquences des actes de contrefaçon et de parasitisme peuvent s’apprécier à partir des gains ou des économies réalisées par leur auteur. De très lourdes condamnations pour des préjudices peu discutés La Cour de Paris (2) considère que la reproduction du personnage, sans autorisation est contrefaisante et que l’utilisation délibérée de plusieurs éléments évocateurs du film, dans l’intention de ce placer « dans le sillage » de l’œuvre, constitue une appropriation du travail intellectuel et des investissements de l’auteur et du producteur. Le producteur, qui demandait une somme de 1 500 000 euros au titre de la contrefaçon et de 1 500 000 euros pour les actes de parasitisme, obtient une réparation de 750 000 euros pour la contrefaçon (50%) et de 1 million d’euros (67%) pour le parasitisme. L’auteur obtient 1 million d’euros pour l’atteinte à son droit moral résultant de la contrefaçon, pour une demande de 1 500 000 euros (67%). La publication du dispositif de la décision dans trois revues et sur deux sites internet est également ordonnée. La cour justifie ces condamnations par l’ampleur considérable de la campagne publicitaire litigieuse : 2000 diffusions du spot TV, 18 000 affiches, 150 publications presse, 70 visuels placés dans 1500 points de vente. De plus, la campagne a été relancée après le jugement de 1ère instance et le film n’avait auparavant donné lieu à aucune exploitation dérivée à des fins commerciales ou publicitaires. Ces éléments d’appréciation ne donnent aucune indication sur l’étendue des dommages réellement subis, qui semblent évalués forfaitairement. Il n’est pas précisé si ces agissements sont à l’origine de pertes ou de gains manqués pour le producteur ni en quoi le préjudice moral de l’auteur est considérable. Elle ne s’interroge pas sur un éventuel effet bénéfique de la campagne sur l’image du film qui pourrait compenser partiellement ces préjudices. Les conseils Une estimation plus précise des coûts et des résultats de la campagne pour l’opérateur aurait permis de mieux apprécier l’appropriation d’investissements réalisée, de même que le débat sur l’impact de la campagne pour le producteur et l’auteur.Le fait d’avoir relancé la campagne de publicité après le jugement a certainement contribué à la revalorisation des réparations par la Cour. Notes (1) TGI Paris 30/03/2004 (2) CA Paris 4eme ch., 08/09/2004, Publicis Conseil et SFR c. Luc B. et Gaumont Paru dans la JTIT n°45/2005 p.7

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Economie juridique-JP 46

Economie juridique Jurisprudence La résiliation anticipée d’un contrat :Quelles conséquences pour le fournisseur? La résiliation anticipée fautive d’un contrat par le client Ayant commandé le développement d’adaptateurs de terminaux téléphoniques sans fil, pour un prix forfaitaire de plus de 5,5 millions d’euros, associé à une rémunération variable pouvant atteindre 800 000 €, le client résilie le contrat trois mois avant la date de livraison convenue en invoquant des retards de son fournisseur. Le Tribunal de commerce de Paris(1), saisi par le fournisseur, juge cette résiliation fautive et condamne le client à lui payer le solde du prix forfaitaire contractuel, soit 3,2 millions d’euros environ.4Le client ayant fait appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris(2) confirme le jugement sur le résiliation fautive, mais rappelle le principe selon lequel le solde du prix contractuel ne peut être dû que lorsque la convention a été exécutée jusqu’à son terme(3). La Cour prononce alors la réouverture des débats pour demander au fournisseur de justifier des coûts engagés et de sa perte de marge. L’enjeu La réparation intégrale des préjudices implique que la victime indemnisée n’enregistre ni perte ni profit. … permet de préciser les principes d’indemnisation du fournisseur L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 septembre 2004(4) statue donc uniquement sur le préjudice du fournisseur constitué des pertes qu’il a subies et de ses gains manqués, chiffrés selon la formule suivante : Coûts engagés dans le cadre de l’exécution du contrat,        + Prix forfaitaire contractuel,        – Coûts de revient totaux qui auraient été supportés jusqu’à la livraison,        – Sommes versées par le client pendant l’exécution du contrat, + 50% de la rémunération variable maximum prévue. Le fournisseur obtient ainsi une réparation de 3 750 000 € environ qui correspond à la marge non réalisée (prix forfaitaire moins les coûts de revient totaux et le prix déjà payé), aux coûts engagés et à une part de la rémunération variable. Le montant de la rémunération variable dûe n’aurait été connu qu’au terme du contrat. Il s’agit donc d’une perte de chance de gain dont la Cour a apprécié la probabilité de réalisation à 50%. La formule énoncée par la Cour laisse subsister certaines interrogations : quels sont les coûts du fournisseur à prendre en compte et comment les évaluer ? En l’espèce, la Cour a retenu la totalité des coûts externes facturés par d’autres fournisseurs, ainsi que 80% des coûts de personnel interne invoqués. La réparation accordée, hors rémunération variable (400 000 €) est en définitive supérieure au solde du prix forfaitaire contractuel, ce qui démontre que le fournisseur obtient une réparation plus élevée que les pertes subies et les gains manqués, ayant manifestement surestimé les unes ou les autres. Les conseils Même en présence de principes d’indemnisation admis, le demandeur dispose d’une marge de manœuvre importante pour démontrer l’étendue des dommages invoqués. – Le défendeur doit exiger une justification comptable des demandes formulées afin d’empêcher l’exploita-tion de cette marge de manœuvre dans le cadre de l’appréciation souveraine du montant des dommages par la juridiction saisie. Notes (1) TC Paris, 15/01/2002, RTX Télécom c. Lucent Technologies France (2) CA Paris, 21/11/2003, Lucent Technologies France c. RTX Télécom (3) Cass. com. 22/10/1996 (4)CA Paris 10/09/2004, Lucent Technologies France c. RTX Télécom Paru dans la JTIT n°46/2005 p.7

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Economie juridique Jurisprudence Peer to Peer: Mesurer le préjudice causé à la filière pour ensuite l’indemniser… Quel est l’impact réel des réseaux P2P sur l’industrie de contenus? L’impact réel des réseaux Peer-to-Peer est un sujet très controversé. Selon le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), les multiples études économiques sur le « taux de substitution » entre la vente de CD et les échanges de contenus en P2P sont peu satisfaisantes et parviennent à des conclusions contradictoires sur l’ampleur des pertes subies (1). Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que le recours à un logiciel de P2P est un moyen de se procurer des copies d’œuvres hors des modes normaux d’exploitation des œuvres que sont l’achat de supports physiques ou l’achat en ligne sur des sites légaux. Or, la reproduction et la communication au public, sans autorisation des ayants droit, par de nouveaux procédés techniques s’apprécie comme « un manque à gagner » pour les ayants droit (producteurs, éditeurs, auteurs, artistes-interprètes etc.). Même si le montant du préjudice n’est pas quantifiable, il est difficilement contestable. L’enjeu Encadrer les formes de distribution des œuvres qui ne permettent pasd’assurer la rémunération de la création et de la production. Le préjudice n’est pris en compte qu’à l’égard d’intérêts légitimes La directive sur les droits d’auteur et les droits voisins du 22 mai 2001 (en cours de transposition en droit français) prévoit que les exceptions au droit d’auteur (notamment copie privée) ne sont licites que si elles ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et si elles ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur(2). Le juge a le pouvoir de refuser le bénéfice de la restriction au cas par cas, en fonction de ce qu’il considère comme une atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et du préjudice injustifié. Les téléchargements réalisés par le P2P bénéficient-ils de l’exception pour copie privée ? Il y a trop peu de décisions rendues pour répondre à cette question. Le Tribunal de grande instance de Paris a pour sa part, écarté toute possibilité de copie privée pour les œuvres filmographiques commercialisées sur des supports numériques, en retenant que cette copie ne peut « que porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre »(3). Quoi qu’il en soit, il y a un préjudice injustifié si l’auteur ou un autre titulaire de droit (éditeur) n’obtient aucune compensation. Une solution consisterait à s’orienter vers des licences légales. Une proposition de loi allant dans ce sens a été déposée cet été, à l’Assemblée nationale (AN n° 2474). Les solutions La proposition de loi prévoit de compléter les dispositions actuelles des articles L. 311-4 et L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle afin de tenir compte du cas spécifique des échanges entre particuliers à des fins non commerciales (Ass. Nat. n° 2474). Notes (1) Rapport du CSPLA sur le P2P disponible sur www.audionautes.net (2) Art. 5.5 de la directive 2001/29 (3) TGI Paris, 30/04/2004 Paru dans la JTIT n°47/2005 p.7

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Economie juridique – JP TC Paris 16 03 2004

Economie juridique Jurisprudence Pas de réparation du préjudice commercial sans de solides éléments de preuve Une expertise judiciaire et trois années de procédure… La société américaine Cyrano Inc. revendique la propriété de plusieurs logiciels contenus dans des logibox déposées auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes par sa filiale française, et remises à un acquéreur dans le cadre de la cession des actifs de cette filiale. L’acquéreur s’estime propriétaire de tous les logiciels contenus dans les logibox et fait séquestrer celles-ci. La société américaine demande alors au Tribunal de commerce de Paris d’ordonner la remise des logibox contenant ses programmes, ainsi que la réparation de ses préjudices, estimés à 400.000 €. Le Tribunal ordonne une expertise afin de l’éclairer sur la propriété des divers logiciels et les dommages subis. Après une année d’expertise, le rapport conclut aux droits de propriété de Cyrano Inc. sur deux des logiciels séquestrés. Pendant la procédure, la société américaine porte le montant de son préjudice commercial à 7.753.587 €, chiffre le coût de reconstitution des codes sources à 22.349 € et ses frais de procédure à 668.659 €, soit au total 8.444.595 €. L’enjeu L’également ceux qui représentent souvent l’enjeux financier le plus important pour le demandeur. … pour 25.000 euros de dommages et intérêts Le Tribunal de commerce de Paris(1) retient les conclusions du rapport d’expertise sur la propriété des deux logiciels et ordonne qu’ils soient restitués. Pour apprécier les préjudices de Cyrano Inc., la décision se réfère aux constats du rapport d’expertise selon lesquels celle-ci a vraisemblablement perdu une partie de sa clientèle en raison des actions menées par la partie adverse, mais sans en avoir rapporté la preuve. Le Tribunal estime donc que les éléments produits ne justifient pas suffisamment et indiscutablement les demandes de réparation, sauf en ce qui concerne les coûts de reconstitution des codes sources et fixe à 25.000€ le montant total des dommages et intérêts. Le demandeur, privé de l’exploitation commerciale de ses logiciels pendant trois ans, et ayant «vraisemblablement» subi également des pertes de clientèle, obtient une réparation qui représente seulement 0,296% de ses demandes. Son préjudice commercial est réparé à hauteur de 2.651 € (25.000 € – 22.349 € justifiés au titre des codes sources), pour une demande de plus de 7,7 millions € (soit 0,034 %). Le défaut de preuve du préjudice commercial coûte cher au demandeur. Il obtient cependant une somme élevée pour couvrir ses frais de procédure (150.000 €), et peut faire appel s’il estime pouvoir mieux justifier son préjudice commercial. Les solutions Il est inutile de formuler des demandes extrêmement élevées si l’on ne peut en rapporter la preuve. Les juridictions peuvent cependant être convaincues de l’importance d’un préjudice par un faisceau d’indices concordants prouvant son existence, son lien avec la faute et son montant, s’il est justifié par une analyse économique et financière solide. Notes TC Paris,16/03/2004,Cyrano Inc.c.Technologies et Quotium Technologies Paru dans la JTIT n°48/2006 p.7

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JP Economie Juridique – juin 2006

Economie Juridique Indemnisation à la baisse dans une affaire de liens commerciaux Le moteur de recherche Google mis en cause une nouvelle fois La société Cartephone qui commercialise des cartes téléphoniques pré-payées, a souscrit au système de référencement payant proposé par Google, en sélectionnant, parmi les mots clés proposés par le moteur de recherche, le terme « Kertel », qui est également la dénomination sociale et la marque d’un concurrent. Un constat d’huissier établi à la demande de la société Kertel en avril 2004 montre que les recherches effectuées à partir du mot clé « Kertel » sur le moteur de recherche, font apparaître un lien publicitaire vers le site de Cartephone. Un autre constat montre que le lien sponsorisé a été supprimé en juillet 2004. La société Kertel assigne son concurrent ainsi que les sociétés Google France et Google Inc. et demande une somme de 120 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Deux décisions rendues pour des faits similaires en 2005 ont condamné les moteurs de recherche à indemniser les victimes à hauteur de 200 000 euros chacune(1). L’enjeu Obtenir l’indemnisation des préjudices résultant d’actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale sur internet, qui peuvent s’avérer substantiels. Une réparation limitée pour des demandes peu justifiées Contrairement aux décisions précédentes, le Tribunal de grande instance de Paris(2) ne retient pas d’acte de contrefaçon à l’encontre de Google, mais il estime que sa responsabilité est engagée au titre des articles 1382 et 1383 du Code civil, pour avoir favorisé l’activité contrefaisante de la société Cartephone, qui est quant à elle condamnée pour contrefaçon et concurrence déloyale. Le Tribunal estime que le préjudice commercial invoqué par Kertel n’est pas démontré. Relevant que les faits litigieux se sont produits sur une courte période (moins de 4 mois), le Tribunal accorde une somme de 30 000 euros de dommages et intérêts à Kertel au titre de l’atteinte portée à sa marque. Il ordonne également la publication de la décision aux frais in solidum des sociétés fautives…. La société Kertel n’a sans doute pas suffisamment documenté ses demandes de réparation. Le Tribunal souligne par exemple qu’elle ne produisait aucun élément pour justifier de sa notoriété, tels que des résultats de sondage, ce qui aurait pu lui permettre d’obtenir une indemnisation plus élevée au titre de l’atteinte portée à sa marque. Le préjudice commercial, lorsqu’il existe, peut être estimé notamment à partir des statistiques de connexion et des ventes réalisées sur internet . Le conseil Il convient de justifier précisément ses demandes ou tout au moins de fournir à la juridiction tous les éléments disponibles permettant d’apprécier l’importance des préjudices subis. Notes (1) TGI Nanterre 17.01.2005, Accor c. Overture (JTIT n°37), et TGI Paris 04.02.2005, Louis Vuitton Malletier c. Google (JTIT n°38). (2) TGI Paris 08.12.2005, Kertel c. Google et Cartephone. Paru dans la JTIT n°49/2006 p.7

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Economie juridique – JP – Indemnisation des préjudices

Economie juridique Tout préjudice dont l’existence est démontrée doit être indemnisé Les conséquences dommageables d’une campagne de dénigrement… Début 2004, les médias font largement état d’une controverse au sujet des risques que présenterait pour la santé, la consommation de saumons d’élevage. Une agence de relation publique diffuse les résultats d’une étude scientifique consacrée à ce sujet, en amplifiant de manière alarmiste les conclusions mesurées de celle-ci. La CITPPM, organisme professionnel représentant notamment des producteurs de saumon fumé, estime que cette diffusion lui cause un préjudice et engage une procédure contre l’agence. L’organisme professionnel considère qu’il doit engager des dépenses de communication afin de rétablir l’image positive du saumon d’élevage dans l’esprit du public. Il justifie avoir engagé 119.600 € de dépenses et évalue à 250.000 € le solde des coûts de communication à supporter. 4Le Tribunal de commerce de Paris (1) considère que l’agence de relation publique a commis un acte de dénigrement engageant sa responsabilité en ajoutant délibérément aux résultats de l’étude des éléments de nature à nuire à l’image du produit dans l’esprit du public. L’enjeu Si les juges du fonds doivent apprécier souverainement l’étendue d’un préjudice dont ils ont reconnu l’existence, le demandeur doit justifier du lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute subie. … non réparées à défaut de preuve du lien de causalité En analysant les statistiques de ventes de saumon fumé, qui révèlent une baisse modérée des ventes, il constate que la CITPPM, a bien subi un préjudice en relation directe avec les actes de dénigrement. Cependant, le tribunal estime que le lien de causalité entre le montant des dépenses de communication invoquées et la faute retenue n’est pas démontré, l’organisme professionnel ayant produit factures et devis correspondants, sans justifier des modalités de réalisation de la campagne. Considérant alors qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour évaluer l’étendue du préjudice, le Tribunal accorde à la CITPPM une réparation symbolique de 1 € de dommages et intérêts, tout en faisant droit à sa demande de publication de la décision dans la presse. Ayant constaté l’existence d’une faute et d’un préjudice causé par celle-ci, le Tribunal doit en principe apprécier souverainement le montant de celui-ci, ou ordonner les mesures d’instruction qu’il estime nécessaires pour éclairer son jugement (2). En l’espèce, ce principe semble avoir été méconnu, dès lors qu’une indemnité symbolique ne saurait réparer les coûts de communication engagés, dont le Tribunal semble avoir admis la nécessité, en reconnaissant ne pas pouvoir apprécier le montant ayant pour origine le dénigrement subi. Le conseil En l’espèce l’organisme professionnel aurait certainement pu obtenir une indemnisation plus conséquente en démontrant que la décision d’engager les dépenses invoquées avait bien pour origine le dénigrement subi et en justifiant précisément de l’objet des dépenses invoquées. Notes (1) TC Paris, 18/02/2005, Confédération des Industries de Traitement des Produits de Pêches Maritimes (CITPPM) c. Equity Conseil Gavin Anderson et Cie. (2) Cass. 3e civ. 06/02/2002 Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°54-55/2006 p.7

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economie juridique/ JP 63

Economie juridique L’évaluation des préjudices dans le projet de loi de lutte contre la contrefaçon La possibilité d’accorder une indemnisation forfaitaire du dommage Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, déposé au Sénat le 12 février 2007 (1), vise notamment à transposer en droit français la directive européenne sur le respect des droits de propriété intellectuelle (2) et prévoit d’introduire plusieurs mesures relatives à l’évaluation et à la preuve du préjudice résultant d’actes de contrefaçon, dans le cadre des procédures judiciaires. Les dispositions prévues en matière d’évaluation de préjudices sont les mêmes pour tous les domaines de la propriété intellectuelle (brevets, marques, propriété littéraire et artistique, etc.) et comportent des innovations importantes pour le droit français de la responsabilité civile, comme le souligne l’exposé des motifs du projet. Conformément à la Directive, elles donneraient en effet au juge la possibilité d’accorder une indemnisation forfaitaire à la victime d’un dommage résultant d’une contrefaçon, dans les cas « appropriés ». Jusqu’à présent l’évaluation forfaitaire était considérée comme incompatible avec le principe de la réparation intégrale des dommages, qui découle de l’article 1382 du Code civil et constitue l’un des fondements de notre droit de la responsabilité civile. La réparation vise à replacer la victime dans la situation qu’elle aurait dû connaître si elle n’avait pas subi le dommage, sans perte ni profit. Une évaluation forfaitaire ne permet pas d’atteindre cet objectif dès lors qu’elle est par définition sans lien direct avec le dommage réel. L’évaluation forfaitaire des dommages est régulièrement sanctionnée par la Cour de cassation (3). L’enjeu Ce texte donnerait au juge la possibilité d’accorder, dans certains cas, à titre d’alternative, une indemnisation forfaitaire à la victime d’un dommage résultant d’une contrefaçon. Cette indemnité ne pourrait être inférieure « au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il porte atteinte » et n’aurait pas de limite supérieure. Les modalités de calcul de ce montant ne sont pas précisées, et il pourrait s’avérer en pratique aussi délicat à chiffrer que le préjudice réel de la victime, dont il constitue souvent l’une des principales composantes. En effet, ce montant ne peut être évalué sans disposer d’informations que l’auteur de la contrefaçon est généralement le seul à détenir. Le projet innove à cet égard en prévoyant de donner au juge la possibilité d’ordonner au contrefacteur de produire les informations sur les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et sur les prix obtenus. Le juge devra prendre en considération, pour son évaluation, lorsqu’elle n’est pas forfaitaire, tous les « aspects appropriés ». Trois éléments d’appréciation sont cités à ce titre, de manière non limitative : les conséquences économiques négatives pour la victime (manque à gagner), les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur, et, s’il y a lieu, le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte.Ces éléments d’appréciation sont déjà utilisés par les juridictions. Ces précisions permettront cependant aux demandeurs de mieux cibler leurs prétentions et pourraient avoir un effet dissuasif sur les auteurs de contrefaçons. Les principes Cette dérogation au principe de la réparation intégrale aurait pour effet de limiter la portée d’un autre principe de la responsabilité selon lequel celui qui demande la réparation d’un dommage doit en rapporter la preuve. (1) www.alain-bensoussan.com/pages/1067 (2) Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 (3)Cass. civ. 8 juin 2006, pourvoi n°04-19069 Paru dans la JTIT n°63 p.8

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Economie juridique Jurisprudence contrat d’integration

Economie juridique Les conséquences de la résiliation d’un contrat d’intégration de système Résiliation aux torts du client en première instance En 1997, la société Nouvelle Allium a conclu avec la société Bull un contrat d’intégration de système de gestion intégré à base de progiciel. En tant que maître d’œuvre du projet, l’intégrateur s’est engagé à une obligation de résultat sur la conformité de la solution aux besoins exprimés par le maître d’ouvrage et a garanti que la solution atteindrait les performances attendues. Lors de la mise en exploitation du système de gestion des stocks dans un entrepôt du client, fin 1998, le fonctionnement de celui-ci est paralysé. Les parties conviennent de poursuivre leur collaboration pour résoudre les dysfonctionnements, mais, peu après, le client annonce la résiliation immédiate du contrat, sans respecter la procédure contractuelle. Saisi de ce litige, après expertise judiciaire, le Tribunal de commerce de Paris(1) a condamné le client à régler les factures impayées de l’intégrateur, soit une somme de 1.078.395 euros, avec intérêts au taux contractuel (8,60%) à compter de la date d’échéance des factures, et capitalisation des intérêts. A la date du jugement, assorti de l’exécution provisoire, les intérêts capitalisés représentaient une somme d’environ 700.000 euros. L’enjeu L’intégration d’un ERP présente des enjeux et des risques très importants que l’intégrateur et le client doivent précisément mesurer et piloter. Torts partagés et lourde condamnation de l’intégrateur en appel La Cour d’appel de Paris retient une solution différente(2). Si elle considère que le client a commis des fautes génératrices de son préjudice en décidant de mettre en exploitation le système de manière prématurée et précipitée, contre l’avis de l’intégrateur, puis en résiliant brutalement la convention, elle retient aussi de graves manquements du maître d’œuvre à son obligation de garantir la performance du système. L’arrêt prononce donc la résiliation du contrat aux torts réciproques des deux parties et examine leurs demandes d’indemnisation. Pour chiffrer les préjudices du client (+ de 13 millions d’euros demandés), l’arrêt se fie aux conclusions du rapport d’expertise. Il retient un montant de 5.333.279 euros comprenant principalement les coûts de mise en œuvre du projet (1.038 K€) et de formation (285 K€), les coûts de licence et de maintenance du progiciel (230 K€), la perte de marge due au blocage de l’entrepôt (2.517 K€), ainsi que des pertes commerciales (309 K€), des charges financières (121 K€), des frais de personnel exceptionnel (152 K€) et permanent (249 K€) et les coûts d’adaptation de l’ancien système (305 K€). Le préjudice invoqué par l’intégrateur (951.155 €) est retenu intégralement sans discussion, car sa demande est d’un montant inférieur au montant retenu par le rapport d’expertise. Compte tenu de l’infirmation du jugement sur la résiliation au tort unique du client, le paiement du solde des factures et des intérêts est également infirmé, sans que ce point ne soit réellement débattu. En vertu du partage de responsabilité retenu (50%/50%), le client obtient une réparation de 2.666.640 euros et l’intégrateur 475.791 euros (alors que 951.155 € / 2 = 475.578 €), soit 2.190.849 euros au profit du client. L’intégrateur doit en outre restituer la somme de 1.876.798 euros perçue en exécution du jugement et doit donc verser la somme de 4.067.647 euros. Les conseils Dans le cadre de la gestion de la procédure et de la formulation des demandes financières, les parties doivent tenir compte du caractère déterminant des conclusions du rapport d’expertise judiciaire sur les préjudices, pour l’appréciation, par la juridiction, des réparations à accorder, surtout lorsque les dommages sont complexes à chiffrer et atteignent des sommes élevées. (1) TC Paris 20 novembre 2003, Bull c. Nouvelle Allium. (2) CA de Paris, 25eme Ch., 28 avril 2006, Nouvelle Allium c. Bull. Paru dans la JTIT n°64/2007 p.8

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Economie juridique – Projet de lutte contre la contrefaçon

Economie juridique Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon et l’évaluation des préjudices (suite…) Des mesures visant une meilleure réparation des préjudices Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, du 12 février 2007 (1), qui vise à transposer en droit français la directive européenne sur le respect des droits de propriété intellectuelle (2) a été adopté par le sénat le 19 septembre dernier. Il est à présent soumis à l’Assemblée nationale. Ce texte précise les éléments que le juge devra prendre en considération pour évaluer le préjudice résultant de la contrefaçon (3) : « les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte. » En outre, le juge pourrait ordonner au contrefacteur de produire les informations sur les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et sur les prix obtenus. A titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, les juridictions saisies auraient la possibilité d’accorder, à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire qui ne pourrait être inférieure « au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il porte atteinte ». Selon le préambule de la Directive, ces dispositions sont destinées à améliorer la réparation du préjudice résultant de la contrefaçon. L’enjeu Ainsi, ces dispositions ont surtout pour objet de renforcer des dispositions existantes et leur effet dissuasif, notamment en instituant une réparation forfaitaire. Dont la portée pratique pourrait s’avérer limitée … Le manque à gagner de la partie lésée, les bénéfices du contrefacteur et le préjudice moral font déjà partie des éléments d’appréciation du préjudice examinés par le juge, lorsque la victime à qui il appartient de démontrer ses dommages, est en mesure de les chiffrer et formule des demandes à ce titre. Le juge civil dispose déjà de la possibilité d’ordonner aux parties ou à des tiers, de produire les éléments de preuve requis, en vertu des articles 11 et 138 du Nouveau code de procédure civile. Ces dispositions sont peu utilisées pour rapporter la preuve des dommages subis. Les juges du fond accordent déjà régulièrement, en matière de contrefaçon, des indemnisations « forfaitaires » (4), c’est-à-dire dont le montant ne résulte pas d’une évaluation précise et justifiée des dommages, en se gardant toutefois de les qualifier ainsi, dès lors que la Cour de cassation sanctionne l’utilisation de ce terme, contraire au principe de la réparation intégrale (5). La principale innovation du projet consiste donc à fixer un plancher pour la réparation forfaitaire, correspondant aux redevances que la victime aurait dû percevoir si elle avait autorisé l’exploitation de ses droits. Mais le chiffrage du préjudice résultant de la contrefaçon nécessite de connaître la masse contrefaisante (quantité produite ou distribuée par le contrefacteur) d’une part, et des informations relatives au modèle économique de la victime (mode d’exploitation de ses droits, prix, taux de redevance, marge…), d’autre part. Le chiffrage du montant des redevances qui auraient été perçues requière, au minimum, les mêmes informations. Or, la victime de la contrefaçon est réticente à fournir ce type d’informations relevant des secrets commerciaux. Le projet aurait utilement pu renforcer les moyens permettant d’assurer cette protection. Les conseils La réparation forfaitaire, fondée sur des éléments qui resteront difficiles à justifier et à apprécier, pourrait favoriser le caractère arbitraire de certaines condamnations alors que la meilleure garantie d’indemnisation pour la victime, reste l’évaluation et la justification précise de chacun de ses dommages. (1) Projet de loi du 12 février 2007 (2) Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 (3) Voir Juristendances Informatique et Télécommunications n°63/2007 (4) CA Paris 13eme Ch. 17 janvier 2007, Chanel, Céline et autres ; CA Versailles 2 novembre 2006, Accor c. Overture ; CA Paris, 4eme Ch. 28 juin 2006, Google c. Louis Vuitton Malletier (5) Cass. Civ. 3, 8 juin 2006 n°04-19.069 Paru dans la JTIT n°69/2007 p.7

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Economie juridique Rupture de contrat d’externalisation

Economie juridique Une coûteuse rupture anticipée de contrat d’externalisation Une résiliation anticipée pour manquements contractuels… La société Integris a confié la gestion de ses activités d’éditique à la société Datapost, dans le cadre d’un contrat d’externalisation, conclu pour une durée minimum de cinq ans. La rémunération de Datapost comprend un prix forfaitaire annuel garanti, correspondant à un volume minimum de prestations, et un prix complémentaire proportionnel aux prestations fournies au delà de ce minimum. Près de quatre ans après l’entrée en vigueur du contrat, Integris le résilie en invoquant différents manquements de son prestataire. Datapost conteste les conditions de cette résiliation, mais elle collabore à l’organisation de la réversibilité et poursuit la fourniture des prestations qui lui sont confiées dans le cadre de cette phase, qui s’achève dans le mois précédant l’échéance contractuelle initialement fixée. Cependant Integris ne lui verse pas le forfait annuel garanti mais uniquement le prix prévu pour les prestations réalisées au delà du volume minimum annuel. Le Tribunal de commerce de Bobigny, saisi par Datapost, a débouté les deux parties de toutes leurs demandes et Datapost a fait appel de la décision (1). La Cour d’appel de Paris juge, au contraire, que les conditions dans lesquelles Integris a prononcé la résiliation anticipée du contrat sont irrégulières, les dispositions contractuelles de résiliation pour manquement de l’une des parties n’ayant pas été respectées (2). L’enjeu La qualification précise des demandes financières conditionne en principe leur recevabilité et participe à la détermination de leur montant. Sanctionnée à défaut de respect de la procédure de résiliation En conséquence, la décision retient qu’Intégris est bien débitrice des forfaits prévus jusqu’au terme du contrat et accorde à Datapost la somme qu’elle demandait au titre du forfait annuel garanti, soit 709.034 €, ainsi que le montant de 181.058 € demandé au titre des pénalités contractuelles de retard de paiement, soit un montant total de 890.093 € . Pour ordonner le paiement du solde du prix forfaitaire jusqu’au terme du contrat, assorti des intérêts contractuels de retard de paiement, la décision doit, en principe, se fonder sur l’exécution des prestations contractuelles jusqu’au terme du contrat. En effet, la cour de cassation a posé le principe selon lequel, en cas de rupture anticipée d’un contrat, le solde du prix n’est dû que lorsque la convention a été exécutée jusqu’à son terme (3). A défaut, la victime de la rupture peut être indemnisée du préjudice découlant de la rupture, égal à la marge non réalisée, mais ne peut percevoir le solde du prix (4). En l’espèce, la décision ne précise pas si les prestations ont été fournies jusqu’au terme effectif des cinq ans, ni si Datapost a bien exécuté les obligations contractuelles souscrites en contrepartie du paiement du prix forfaitaire, jusqu’à cette date, dans le cadre de la phase de réversibilité. Ces précisions auraient également permis d’apprécier le ben fondé de la condamnation prononcée au titre des pénalités contractuelles de retard de paiement, qui, elles aussi, ne pouvaient être dues qu’en cas d’exécution complète de la convention par Datapost. Dans le cas contraire, la condamnation aurait dû se limiter à des intérêts calculés au taux légal et non selon les dispositions contractuelles sanctionnant plus lourdement le retard de paiement. Les conseils Le demandeur doit donc s’attacher à donner la qualification adéquate à ses demandes d’indemnisation, alors que le défendeur doit souligner toute imprécision ou toute erreur de qualification à cet égard. (1) Tribunal de commerce de bobigny , 7 novembre 2002 (2) CA Paris 5eme Ch. 26 avril 2007 Aspheria (venant aux droits de Datapost) c. Bull (venant aux droits d’Integris) (3) Cass. com. 22 octobre 1996 (4) CA Paris 25eme Ch. 10 septembre 2004, Lucent Technologies c. RTX. Paru dans la JTIT n°70/2007

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Economie juridique Résolution de contrats informatiques

Economie juridique Une nouvelle déclinaison des conséquences de la résolution de contrats informatiques Difficultés d’exécution d’un contrat d’intégration à prix forfaitaire… Deux sociétés ont conclu fin 1999 un contrat d’intégration de système informatique et de licence, pour un montant forfaitaire de 679.000 €, associé à la fourniture de prestations d’hébergement et de maintenance. L’intégration du module de gestion du système s’avère plus difficile que prévue. Bien que le client accepte le paiement de compléments par rapport au prix forfaitaire (68.600 € puis 58.600 €), le projet est retardé et le module de gestion, installé sur certains sites du client, ne fonctionne qu’avec des temps de réponse très inférieurs aux engagements de l’intégrateur. Alors que ce dernier demande un nouveau supplément de prix pour corriger ces défauts, le client engage une procédure de référé expertise. A l’issue de celle-ci, le client assigne l’intégrateur au fond devant le Tribunal de commerce. Celui-ci prononce la résolution du contrat aux torts de l’intégrateur, ordonne la restitution des sommes versées par le client (854.843 €) et lui accorde une somme de 309.580 € au titre des coûts engagés dans le cadre du projet ainsi que 400.000 € en réparation des conséquences du retard du projet.(1) L’enjeu Le montant des préjudices retenus par l’arrêt est celui qui avait été retenu par le rapport d’expertise technique, ce qui confirme l’importance de celui-ci en la matière. Dont les conséquences de la résolution sont limitées en appel Saisie par l’intégrateur, la cour d’appel de Lyon confirme la résolution du contrat en considérant que les défauts de performance, constatés pendant l’expertise, dont la correction n’est pas justifiée, constituent une grave inexécution des engagements de l’intégrateur justifiant la résolution. Rappelant que la résolution judiciaire doit avoir pour effet de rétablir les parties dans la situation qu’ils auraient connu si les obligations contractuelles n’avaient pas été souscrites (2), l’arrêt confirme la restitution des sommes versées à l’intégrateur (854.843 €), ainsi que l’indemnisation du client au titre des coûts internes engagés dans le cadre du contrat (309.580 €) (3). Cependant, contrairement à la décision de première instance, l’arrêt refuse de prononcer l’indemnisation du client au titre des gains de productivité non réalisés pendant la durée du retard du projet (790.000 € demandés). L’arrêt considère en effet, que le client ne peut demander simultanément la résolution du contrat et à être indemnisé du « préjudice résultant de sa remise dans la situation antérieure au contrat ». En effet, avant la signature du contrat, le client n’avait pas encore supporté les conséquences du retard dans son projet informatique. Mais, si la résolution implique de replacer les parties dans la situation antérieure au contrat, c’est à dire la restitution réciproque des paiements et livraisons contractuelles, elle ne s’oppose pas à ce que les conséquences de l’exécution fautive du contrat, telles que les coûts engagés inutilement dans le cadre de de celui-ci, ou les gains non réalisés en raison du retard du projet, soient également réparés (4). La réparation des coûts engagés dans le cadre du projet est d’ailleurs prononcée par l’arrêt alors que ces coûts n’auraient pas non plus été supportés si le contrat n’avait pas été conclu. Dans une autre affaire récente (5) la Cour d’appel de Lyon avait même indemnisé un intégrateur de la marge qu’il aurait réalisé sur la maintenance, à l’issue de l’exécution du contrat résolu. Les conseils Par contre, le chiffrage de la demande de réparation écartée par l’arrêt (790.000 €) n’était pas suffisamment justifiée selon celui-ci, ce qui a probablement pesé dans l’appréciation restrictive des conséquences de la résolution retenue par la Cour. (1) TC de Saint-Etienne, 44/10/2006 (2) C civ., art. 1184 (3) CA Lyon 3e Ch. Civ., 22/03/2007 (4) CA Paris 25e Ch. A, 22/02/2002 ; CA Paris, 25e Ch. B, 02/07/2004 (5) CA Lyon, 3e Ch. civ., 23/02/2006 Paru dans la JTIT n°71/2007

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Economie juridique – Redevances de terminaison d’appels

Economie juridique Détournement de redevances de terminaison d’appels Un business modèle exploitant une faille des forfaits illimités Depuis une dizaine d’années en France, avec l’ouverture à la concurrence du secteur de la téléphonie et la régulation des tarifs d’interconnexion des différents opérateurs, celui qui assure l’acheminement d’une communication depuis le point d’interconnexion avec le réseau de l’opérateur ayant acheminé l’appel, vers le client final, perçoit de l’opérateur pour lequel il assure cette prestation, le cas échéant, une redevance dite de terminaison d’appel. Avec le développement des forfaits téléphoniques illimités, un éditeur de site internet s’est rapproché de deux opérateurs de téléphonie « alternatifs » afin de créer, un service reposant sur le montage suivant : un site internet proposait à des internautes bénéficiant de tels forfaits de s’inscrire à un service de « chat » téléphonique, accessible à partir de numéros non surtaxés, attribués aux deux opérateurs. Les internautes, pour lesquels les appels vers ces numéros étaient gratuits, étaient incités à prolonger, indéfiniment, la durée de leurs communications en bénéficiant d’un reversement de 0,002 € par minute d’appel. Les deux opérateurs augmentaient ainsi, artificiellement, car le service de chat n’avait pas d’autre objet, les redevances de terminaison d’appel versées par les autres opérateurs. Ils en reversaient une quote-part à l’éditeur du service qui rémunérait les utilisateurs en conservant une part des bénéfices. L’enjeu A défaut d’avoir justifié d’informations relatives à leur propre activité, les demandeurs obtiennent une indemnisation qui, quoique très importante, s’avère inférieure à leur préjudices réels. En l’espèce, la quote-part des charges de terminaison d’appel perçue par les deux opérateurs alternatifs n’est pas indemnisée. Considéré comme abusif et préjudiciable aux opérateurs Ayant constaté une augmentation exponentielle des charges de terminaison d’appels versées aux deux opérateurs, France Telecom et Orange ont assigné l’éditeur du service en cause, mais leurs demandes ont été rejetées en première instance (1). La Cour d’appel d’Angers, saisie par les opérateurs, a jugé au contraire que cette exploitation d’une faille technique par l’éditeur du service était abusive et commercialement déloyale, dès lors qu’elle n’avait d’autre objet que de détourner les règles concurrentielles en vigueur à son profit (2). Les demandes de réparation formulées par France Telecom et Orange visaient uniquement le remboursement des charges de terminaison d’appel versées indûment, soit respectivement 780.000 € et 340.000 € selon elles. Cependant, l’arrêt constate que les deux opérateurs historiques ne justifient que de la durée du trafic vers les numéros en cause, pour les années 2004 et 2005, alors que le service a été interrompu en 2006. L’arrêt ne retient donc que le nombre d’heures de communications illicites justifié (1.704.170 heures !). En outre, ni le montant des redevances versées aux deux opérateurs « alternatifs » au titre du service, ni le tarif de ces versements, ne sont justifiés par les opérateurs historiques. A défaut de ces éléments, l’arrêt considère les tarifs des reversements des opérateurs « alternatifs » à l’éditeur du service (0,54 € par heure) et, après déduction du montant reversé aux utilisateurs (0,025 € par heure), chiffre le montant des bénéfices indûment réalisés par l’auteur des pratiques, soit 877.647 € (0,515 € X 1.704.170 heures). Ce montant (arrondi à 879.000 €) est retenu comme préjudice indemnisable des opérateurs historiques, dont l’indemnité est fixée respectivement à 604.000 € et 275.000 €. Le conseil Le demandeur doit justifier précisément de ses préjudices, tout particulièrement lorsque cette justification peut ressortir de sa propre comptabilité. (1)TC Angers, 17/05/2006 (2) CA Angers 1ère Ch. A 9 octobre 2007, France Telecom et Orange c. Afone Paru dans la JTIT n°72/2008 p.9

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Archive JTIT 52 economie juridique

Economie juridique L’exécution d’une décision provisoire génératrice de responsabilité L’exécution provisoire peut avoir de lourdes conséquences… Par une ordonnance de référé du 18 mai 1992, un commerçant est condamné sous astreinte à cesser son activité commerciale, au motif qu’elle serait exercée en contravention d’une clause de non-concurrence. Les bénéficiaires de cette ordonnance la font signifier au commerçant, qui devient donc tenu de l’exécuter. Compte tenu de l’astreinte financière élevée dont est assortie cette décision, le commerçant cesse effectivement son activité, tout en faisant appel de l’ordonnance. L’ordonnance de référé est une décision provisoire, qui n’a pas l’autorité de la chose jugée. Lorsqu’elle est signifiée, elle devient exécutoire de droit, mais à titre provisoire et peut être infirmée en appel. C’est pourquoi elle peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, afin que son bénéficiaire puisse répondre de toute restitution ou réparation ultérieure (1). L’article 31 de la loi du 9 juillet 1991 précise même que l’exécution d’une décision provisoire est poursuivie aux risques du créancier Les enjeux Cet arrêt de l’Assemblée plénière semble admettre, en application de la loi du 9 juillet 1991, le principe de la responsabilité civile sans faute de celui qui poursuit l’exécution d’une décision provisoire. …que le bénéficiaire de la décision peut être condamné à réparer Or, l’ordonnance de référé est infirmée par la cour d’appel et le commerçant saisit le tribunal pour obtenir la réparation du préjudice résultant de l’exécution de l’ordonnance, laquelle lui est accordée. Mais ce jugement est lui-même infirmé en appel, puis l’appel cassé en juillet 2003 (2). L’affaire est renvoyée devant une seconde cour d’appel qui statue pourtant dans le même sens que la première. Le commerçant forme alors un nouveau pourvoi en cassation, renvoyé devant l’Assemblée plénière. Cette dernière, par son arrêt du 24 février 2006(3), au visa de l’article 31 de la loi du 9 juillet 1991, réaffirme que celui qui poursuit l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire le fait à ses risques, à charge « d’en réparer les conséquences dommageables » si la décision est ultérieurement modifiée. Ainsi, l’affaire est renvoyée une nouvelle fois devant une Cour d’appel, qui devrait, en principe, plus de quatorze ans après la cessation d’activité du commerçant, conduire à la réparation définitive de son préjudice. Signalons en outre qu’une procédure au fond avait peut être été engagée parallèlement, par les bénéficiaires de l’ordonnance, pour obtenir la réparation de leur propre préjudice résultant de la violation de la clause de non concurrence jusqu’à la cessation d’activité… Les conseils La décision de faire exécuter une décision exécutoire à titre provisoire doit donc être prise, par son bénéficiaire, uniquement après avoir apprécié sa probabilité d’annulation et les conséquences potentielles de cette annulation. (1) Articles 484 à 489 et 514 à 517 du Nouveau Code de procédure civile. (2) Cass. civ. II. 10/07/2003, Bull. 2003 II n°244. (3) Cass. Plén. 24/02/2006, arrêt n°533 P. Paru dans la JTIT n°52/2006 p.7

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Economie juridique JP Google

Economie juridique Le générateur de mots clés de Google pris en faute une nouvelle fois Une procédure engagée par un syndicat professionnel et 28 sociétés En novembre 2005, la société Google France a une nouvelle fois été assignée au titre de l’exploitation commerciale de son générateur de mots clés dénommé « adwords », par lequel elle propose aux annonceurs de réserver des mots clés qui permettront l’affichage de liens commerciaux vers leur site internet, alors que des noms de marques figurent parmi les mots clés proposés. Ainsi, le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’Equipements Ménagers (GIFAM), a constaté que Google exploitait à titre de mots clés, sans leur accord, les marques de 28 de ses adhérents. Les 28 sociétés se joignent alors au GIFAM pour demander au Tribunal de grande instance de Paris de condamner Google à leur payer, à chacune 50 000 € au titre de la contrefaçon, 30 000 € pour actes de parasitisme, 30 000 € pour atteinte à leurs marques, 20 000 € pour usurpation de leur dénomination sociale (sauf 2 sociétés), 30 000 € pour atteinte à leur nom de domaine (sauf 7 sociétés), 30 000 € pour publicité mensongère, 50 000 € pour faute civile et 20 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile. Une expertise est également demandée par le GIFAM pour chiffrer ses préjudices ainsi que la publication de la décision. L’enjeu L’action menée par le syndicat professionnel dans l’intérêt collectif de ses membres et par certains de ses adhérents s’avère peu efficace pour indemniser chaque victime individuellement. Qui se solde par une lourde condamnation collective Les demandes de réparation formulées à l’encontre de Google atteignent la somme totale de 6 310 000 €. Cette fois, le Tribunal ne retient pas, à l’encontre de Google, la contrefaçon de marque ni les autres atteintes aux signes distinctifs invoquées, en considérant que ce sont les annonceurs qui décident de mettre en relation les signes distinctifs et leur site internet et non pas Google. La responsabilité civile du moteur de recherche est cependant retenue pour ne pas procéder au contrôle des droits des annonceurs sur les mots clés et pour publicité mensongère (1). Le tribunal apprécie souverainement l’étendue des dommages invoqués et accorde, au GIFAM, 30 000 € pour l’atteinte aux intérêts collectifs de ses adhérents, 30 000 € pour l’atteinte à l’image de ses adhérents et à chacune des sociétés demanderesses, 10 000 € pour atteinte à leur image. Il ordonne également la publication de la décision à concurrence de 25 000 €. Le moteur de recherche est donc condamné à payer une somme de 340 000 € de dommages et intérêts, 20 000 € pour frais de procédure et 25 000 € de frais de publication, soit 385 000 € au total, ce qui constitue à ce jour une des plus lourdes condamnations encourrues par Google en la matière, sous réserve d’appel. Cependant, chaque société demanderesse obtient individuellement une faible indemnisation de ses dommages (10 000 €), alors que les demandes respectives s’élevaient, pour les plus élevées d’entre elles, à 230 000 €. Les conseils Les demanderesses ne semblent cependant avoir justifié ni de l’existence ni de l’étendue de leurs dommages respectifs, ce qui leur aurait certainement permis d’obtenir une réparation plus significative. TGI Paris, 3ème ch. 3ème sect., 12/07/2006, GIFAM et 28 sociétés c. Google France Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°57/2006

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Economie juridique JP inexécution contractuelle

Economie juridique L’inexécution totale d’un contrat assimilé à une faute lourde Le client qui paye le prix d’un service qui ne fonctionne pas… Un fournisseur d’accès à internet situé en Grèce a signé avec une société française, un contrat de fourniture de capacité de transmission de données par le satellite Eutelsat W2. Alors que le contrat est entré en vigueur, le démarrage du service est retardé en raison du délai nécessaire à l’obtention d’une licence d’exploitation auprès de l’autorité de régulation grecque. Pour pouvoir exercer son activité, le client doit conclure un contrat de substitution pour la fourniture d’une capacité de transmission à partir d’un autre satellite, exploité par une société disposant déjà de la licence nécessaire. Après obtention de la licence d’exploitation, le client demande le transfert de la transmission du satellite de substitution au satellite Eutelsat W2. La transmission se révèle techniquement impossible à mettre en œuvre à partir de ce dernier satellite. Le client résilie alors ce contrat et poursuit son activité à partir du satellite de substitution, dont le coût est beaucoup plus élevé. Le Tribunal de commerce de Paris a écarté ses demandes d’indemnisation en considérant que la rupture du contrat n’était pas imputable au fournisseur (1). L’enjeu Une décision favorable au client sur la qualification de la faute lourde du fournisseur, de nature à écarter l’application des clauses limitatives de responsabilité. …peut être indemnisé du prix payé sans contrepartie et du surcoût lié au service de substitution mis en place La Cour d’appel de Paris (2) considère tout d’abord que le client ne peut formuler de demande au titre de la période précédant l’obtention de la licence, dès lors qu’il lui appartenait de l’obtenir et que les parties avaient convenu de l’entrée en vigueur du contrat en dépit du retard de délivrance de la licence. Le fournisseur ne s’était engagé que sur une obligation de moyen, mais la Cour considère que l’absence de mise en service constitue une inexécution totale du contrat, assimilée à une faute lourde du fournisseur, car celui-ci ne rapporte pas la preuve d’avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour exécuter ses obligations contractuelles. Pour la Cour, cette faute lourde fait échec à l’application des clauses limitatives de responsabilité contractuelles, de nature « à contredire la portée de l’engagement contractuel et « à priver le contrat de toute efficacité ». Le client est indemnisé du surcoût du service de substitution (différence entre son prix et celui du service non mis en oeuvre), à partir de l’obtention de la licence, soit 315.965 €. La Cour lui accorde également la restitution du prix payé au fournisseur, de la date d’obtention de la licence à la date de suspension des paiements (99.650 €). Ces indemnisations reviennent à lui octroyer le bénéfice d’un service de transmission gratuit entre ces deux dates. Par contre, la Cour écarte la réparation de la perte de marge et des investissements informatiques engagés, puisque le service a fonctionné normalement, depuis l’obtention de la licence, grâce au service de substitution. Les conseils La mise en œuvre des moyens permettant de limiter le préjudice est non seulement une nécessité économique mais s’avère favorable dans le cadre de l’action en responsabilité. (1) TC Paris, 17 février 2004, Com To Net c. France Telecom et Globecast France. (2) CA Paris 25eme ch., section B, 28 avril 2006, Com To Net c. France Telecom et Globecast France Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°58/2006

Correspondant à la protection des données, Informatique et libertés

Le nouveau logo de la Cnil pour les Cil

La Cnil innove en créant un logo qu’elle met à disposition des sociétés ayant désigné un Correspondant Informatique et Libertés (Cil). Ce logo permet aux entreprises d’afficher, sur l’ensemble de leurs supports, leur politique de transparence et de conformité informatique et libertés. Un précieux outil qui peut être utilisé comme facteur de différenciation.

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Economie juridique JP Liens sponsorisés

Economie juridique Une appréciation plus nuancée des conséquences dommageables des liens sponsorisés Les liens peuvent pointer vers des services « authentiques » Les sociétés Overture Services et Overture ont fait appel de la décision du Tribunal de grande instance de Nanterre du 17 janvier 2005 (1) qui les avait condamné à payer 200.000 euros de dommages et intérêts à la société Accor pour contrefaçon de plusieurs de ses marques au travers de leur système de référencement payant sur internet, utilisant ces marques à titre de mots clés. En première instance, Accor avait estimé ses préjudices à 46 millions d’euros. En appel, ses demandes de réparation se limitent à la somme de 2 millions d’euros, répartie en cinq préjudices de 400.000 euros chacun, invoqués au titre d’actes de contrefaçon, de publicité trompeuse, de parasitisme commercial, d’atteintes à sa dénomination sociale et à ses noms commerciaux. Les éléments justifiant l’existence, l’origine et l’étendue de ces cinq dommages d’un montant identique ne sont pas précisés dans la décision. Sur le fond, la Cour d’appel de Versailles (2) considère que l’usage d’une marque à titre de mot clé, constitue un acte de contrefaçon uniquement lorsque les liens commerciaux ne donnent pas accès à des « services authentiques » de la marque, (en l’espèce, des services de réservation pour les hôtels du groupe Accor, la société Accor n’en ayant pas le monopole) et lorsque cet usage a été fait dans l’intention d’en tirer indûment profit. L’enjeu La preuve de la faute et des dommages doit être rapportée au cas par cas et elle ne suffit pas à démontrer l’étendue des préjudices. Ce qui peut contribuer à compenser une partie des préjudices subis En conséquence, la décision analyse chaque procès verbal de constat produit par Accor pour déterminer si les liens sponsorisés proposaient l’accès à des « services authentiques » de chaque marque et, à défaut, s’il est prouvé que les liens ont été conçus pour tirer indûment profit de la notoriété de la marque. Cette analyse détaillée conduit la Cour à retenir la contrefaçon invoquée pour sept des quatorze marques en cause. Pour apprécier les préjudices, la Cour observe que la preuve d’un usage intensif des marques et des mots clés n’est pas rapportée et que tous les internautes qui consultent les liens incriminés n’effectuent pas une réservation dans un hôtel concurrent. La décision souligne en outre que plusieurs des liens en cause ont assuré la présentation et la promotion de services « authentiques » de la demanderesse, ce dont elle a bénéficié. Cependant, la Cour considère que les actes de contrefaçon ont nécessairement causé un affaiblissement du pouvoir distinctif des marques, une déperdition des investissements et une perte de chiffre d’affaires. Sans qualifier les dommages subis ni recourir à une évaluation chiffrée, comme dans les affaires précédentes, la Cour accorde à la société Accor une réparation de 140.000 euros et 20.000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile. L’analyse de l’impact dommageable des liens en cause s’affine au fil des décisions et cet arrêt de principe relève que le titulaire d’une marque, utilisée par des tiers à titre de mot clé pour des liens commerciaux, peut également en tirer un certain profit pour ses services authentiques. Les conseils Les constats établis sur des liens hypertexte doivent avoir une profondeur d’analyse suffisante. Le défendeur doit toujours envisager ce dont la victime de la faute a pu tirer profit. (1) TGI Nanterre, 17/01/2005, Accor c. Overture et Overture Services Inc. (2) CA Versailles 12eme ch., 2 novembre 2006, Accor c. Overture et Overture Services Inc Bertrand Thoré Directeur du Département Economie juridique bertrand-thore@alain-bensoussan.com Paru dans la JTIT n°59/2006 p.8

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Economie juridique jurisprudence frais irrépétibles

Economie juridique Vers une indemnisation plus transparente des frais irrépétibles ? Une indemnité destinée à couvrir les frais de défense… Visés par l’article 700 du Nouveau code de procédure civile, les frais irrépétibles sont les frais engagés dans le cadre d’une procédure, non compris dans les dépens. Les dépens, énumérés à l’article 695 du NCPC, comprennent les frais engagés pour les besoins de l’instance, dont le tarif est réglementé et identique pour les parties : émoluments des officiers publics ou ministériels, débours des avoués, indemnités versées aux témoins, rémunération de certains techniciens… Les frais irrépétibles sont, par différence, ceux que les parties ont engagé librement pour assurer leur défense : honoraires d’avocats, frais de constats d’huissiers ou d’expertise amiable, etc. Dès lors que ces dépenses sont engagées et tarifées librement, elles ne peuvent être remboursées (« répétées ») systématiquement à la partie qui obtient gain de cause. Le juge condamne en principe la partie perdante au paiement des frais irrépétibles exposés par l’adversaire, mais il détermine souverainement le montant de l’indemnité, en tenant compte du montant exposé, de l’équité, ou de la situation économique de la partie condamnée, ce qui peut l’amener également à écarter l’application de l’article 700. Dont le caractère forfaitaire pourrait être remis en question L’indemnité versée au titre des frais irrépétibles ne vise donc pas la réparation d’un préjudice, mais tend au respect du principe de gratuité de la justice, sous le contrôle du juge chargé de tempérer les inégalités ou les excès. Dans la pratique, la nature de cette indemnité lui a conféré un caractère forfaitaire : les parties se dispensent de justifier leurs dépenses, dans la mesure où l’indemnité accordée couvre généralement une faible part des coûts réels. Cette situation pourrait évoluer avec un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris ne statuant que sur le montant d’une indemnité pour frais irrépétibles. Ayant été condamnées à verser 44.000 euros au titre de l’article 700, à l’issue d’une procédure en référé, les appelantes demandaient à la Cour de modérer cette condamnation, jugée inéquitable, injustifiée et disproportionnée. Pour rejeter cette demande, l’arrêt relève que les bénéficiaires de cette indemnité, en versant aux débats les notes d’honoraires des avocats ayant assuré leur défense, pour un montant de 44.247 euros, justifient avoir effectivement exposé les frais de défense dont elles demandaient l’indemnisation. Ainsi, cette décision pourrait tendre à limiter le caractère forfaitaire de cette indemnisation, en incitant les parties à mieux justifier leurs dépenses réelles, sans remettre en question le pouvoir de modération du juge. En l’espèce, la Cour a d’ailleurs considéré que l’équité justifiait de ne pas prononcer de condamnation, au titre de l’article 700, pour la procédure d’appel, alors que les intimées demandaient à ce titre, une somme complémentaire de 5.000 euros. Les conseils La justification des frais de défense engagés ne saurait garantir leur indemnisation intégrale, le juge conservant son pouvoir d’appréciation. Cette justification lui fournirait cependant de meilleurs éléments d’appréciation et pourrait conduire à une indemnisation plus complète, dans certains cas. Note CA Paris, 14ème ch., sect. A, o novembre 2006, Free et Iliad c/Neuf Telecom et Cegetel Paru dans la JTIT n°62/2007

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Economie juridique – La mise en demeure est-elle nécessaire…

Economie juridique La mise en demeure est-elle nécessaire pour obtenir des dommages et intérêts ? Le principe de l’obligation de mise en demeure … L’article 1146 du Code Civil dispose que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que lorsque le débiteur a été mis en demeure de remplir son obligation, sans distinguer entre les intérêts moratoires (destinés à réparer les conséquences du retard) et les intérêts compensatoires (destinés à réparer les conséquences de l’inexécution). La mise en demeure a pour objet d’inciter le débiteur à exécuter son obligation et elle constitue ainsi le point de départ du calcul des intérêts moratoires, pour lesquels elle est donc par nature impérative. L’obligation de mise en demeure en matière de dommages et intérêts compensatoires disparaît lorsque l’exécution n’est plus possible, c’est-à-dire lorsque ce qui devait être livré ne peut plus l’être(1) (par exemple des biens périssables), ou lorsque le débiteur a fait ce qu’il s’était engagé à ne pas faire(2). La mise en demeure ne sera pas non plus exigée si les parties en ont convenu expressément (3). Cependant, la Chambre mixte de la Cour de cassation a récemment considéré que, malgré l’absence de mise en demeure, une indemnisation compensatoire, d’un préjudice établi, pouvait être accordée à condition que les juges du fonds aient retenu que « l’inexécution du contrat était acquise » (4). Par cette décision, la chambre mixte semble donner les mêmes effets, en matière de mise en demeure, à « l’inexécution acquise » et à « l’exécution impossible » visée par l’article 1146 du Code civil. Ainsi, comme la mise en demeure perd sa fonction initiale, qui est de rappeler au débiteur qu’il doit s’exécuter, lorsque l’exécution est devenue impossible, elle perdrait son intérêt lorsque l’inexécution serait « acquise », et ne serait dès lors plus nécessaire. L’enjeu Cette décision pourrait avoir une incidence sur l’économie du contrat et doit attirer l’attention de toute partie contractante sur le rôle important de la mise en demeure. Pourrait être écarté en cas « d’inexécution acquise » Si toute inexécution constatée par le juge constituait une « inexécution acquise », dispensant le créancier de la mise en demeure en matière compensatoire, ce dernier serait à présent doté de la faculté de choisir entre la recherche de l’exécution de l’obligation, par la mise en demeure du débiteur, ou l’indemnisation ultérieure des conséquences de l’inexécution, à défaut de mise en demeure, et si l’obligation n’est pas exécutée spontanément. La mise en demeure, laissée au libre choix du créancier, perdrait alors une partie de sa fonction d’avertissement du débiteur, au risque d’alourdir les dommages effectivement subis. En outre, le créancier qui n’aurait pas mis en demeure le débiteur, en raison de son désintérêt pour l’exécution de l’obligation, n’aurait, en cas d’exécution tardive et spontanée du débiteur, plus aucune possibilité d’obtenir le paiement des intérêts moratoires.Mais la Chambre mixte a pu entendre donner une autre signification aux termes « d’inexécution acquise », telle que « reconnue par les parties », « irrémédiable », ou encore « irréversible », et les prochaines décisions en la matière devraient encadrer la liberté d’appréciation des juges du fond sur ce point. Le conseil La mise en demeure vise à favoriser l’exécution du contrat de bonne foi et permet de laisser une chance à la poursuite des relations contractuelles. Elle reste donc une protection efficace, tant pour les intérêts du débiteur, que pour ceux du créancier. (1) Art. 1146 du Code civil dernier alinéa (2) Art. 1145 du Code civil (3) Art. 1139 du Code civil (4) Cass., ch. Mixte, 6/07/2007 Paru dans la JTIT n°73/2008 p.10

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