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Autorité de la chose jugée et revirement de jurisprudence

Par décision du 17 mars 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée sur la recevabilité d’une demande déjà présentée et jugée mais qui depuis lors avait fait l’objet d’un revirement de jurisprudence. Le principe de la décision. Le requérant de l’espèce s’était pourvu en justice afin de mettre un terme au prêt à usage dont bénéficiaient les occupants de l’immeuble dont il était nu propriétaire et usufruitier. En 2002, il avait été débouté de sa demande fondée sur le défaut d’entretien de l’immeuble. Estimant que cet arrêt était conforme à la jurisprudence en vigueur, le requérant ne s’était pas pourvu en cassation. En 2004, la Cour de cassation avait fait évoluer sa jurisprudence en énonçant qu’un prêt à usage indéterminé pouvait être unilatéralement résilié à tout moment. Le requérant avait alors assigné à nouveau les époux V. en demandant la résiliation du prêt toujours pour défaut d’entretien (et non en application du nouveau principe autorisant un prêteur à mettre fin unilatéralement à un prêt à usage à durée indéterminée). La Cour de cassation avait rejeté le pourvoi en raison de l’autorité de la chose jugée de l’article 1351 du Code civile selon laquelle la chose jugée par un jugement antérieur fait autorité à l’égard d’une nouvelle demande fondée sur la même cause et en présence d’une identité des parties et de l’objet. Devant la CEDH, le requérant invoquait la violation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme au motif qu’il s’était vu privé du bénéfice du revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation. La CEDH a estimé que le requérant n’a pas été privé de sa possibilité de bénéficier du revirement de jurisprudence dans la mesure où sa seconde demande n’était pas fondée sur ce nouveau fondement juridique mais sur sa demande initiale. La motivation de la décision. Depuis 7 juillet 2006 la Cour de cassation a consacré le principe de la concentration de moyens. En application de ce principe le demandeur est tenu de présenter dès la première instance l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder sa demande. En application de ce principe, la Cour de cassation a légitimement pu juger que le demandeur qui ne fonde pas dès la première instance sa requête sur le revirement de jurisprudence dont il souhaite bénéficier, mais uniquement sur une motivation qui a d’ores et déjà été jugée par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, ne peut voir sa demande prospérer. La CEDH a considéré que le principe de la concentration des moyens poursuit un but légitime, en conséquence de quoi le demandeur de l’espèce n’avait pas été privé du droit de bénéficier du revirement de jurisprudence dans la mesure où il n’avait pas fondé sa deuxième demande sur le droit issu de ce revirement. Le demandeur à une instance qui concerne les mêmes parties, le même objet et qui a déjà fait l’objet d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée ne peut bénéficier d’un revirement de jurisprudence ultérieur que s’il fonde sa nouvelle demande sur ledit revirement. Sinon sa demande sera déclarée irrecevable en application du principe de l’autorité de la chose jugée. Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot Lexing Contentieux informatique

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La loi sur le renseignement soumise au Conseil Constitutionnel

Après l’adoption du projet de loi sur le renseignement, le Conseil Constitutionnel doit se prononcer dans les tous prochains jours sur la conformité de la loi. Si pour l’essentiel, il y a un consensus pour inscrire la politique publique ainsi que les activités des services de renseignement dans le cadre du droit, les préoccupations suscitées, parmi lesquelles figurent la protection des libertés fondamentales restent nombreuses (1). En effet, suite à l’adoption du projet de loi relatif au renseignement par l’Assemblée nationale le 24 juin 2015, la loi sur le renseignement a été déférée au Conseil Constitutionnel par le Président la République, par le Président du Sénat et par plus de 60 députés, sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution. La loi sur le renseignement n’aurait pas nécessité une triple saisine si l’étude d’impact du projet de loi avait notamment été réalisée de manière à éclaircir l’utilisation des notions « d’informations ou documents » et de « données techniques de connexion ». Le Conseil d’Etat avait déjà jugé dans son arrêt du 5 juin 2015 (2) que la conformité à la Constitution des articles L. 246-1 à L. 246-5 du Code de la sécurité intérieure ayant pour objet l’accès administratif aux données de connexion était renvoyée au Conseil Constitutionnel. La saisine du Conseil Constitutionnel devra permettre de déterminer si les dispositions du projet de loi renseignement présentent les garanties appropriées et spécifiques répondant aux exigences de l’article 34 de la Constitution et si le législateur ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles. Un mémoire porté par un groupe de réflexion et trois amicus curiae (« amis de la cour ») déposés par des associations ou une fédération régie par la loi du 1er juillet 1901 et un think tank et des fédérations professionnelles du numérique. Dans son mémoire déposé le 25 juin 2015 (3), GenerationLibre y soutient notamment que l’article 1er de la loi déférée devrait être déclaré contraire à la Constitution, le législateur ayant entendu laisser au pouvoir réglementaire le soin de garantir la nécessaire proportionnalité entre les objectifs poursuivis par le renseignement et l’exercice des libertés publiques. GenerationLibre stigmatise également les carences de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ainsi que la faiblesse des recours prévus par la loi déférée. Dans un amicus curiae également déposé au Conseil Constitutionnel par French Data Network (FDN), la Quadrature du Net et la FFDN le 29 juin 2015 (4), les associations après avoir apporté de nombreux éclairages techniques sur la loi déférée, dénonce l’absence de procédure de signalement des abus et le caractère illusoire de la procédure contentieuse. Dans un second amicus curiae du 1er juillet 2015 (5), le Syntec numérique, l’AFDEL, l’Asic et Renaissance numérique réitère notamment la nécessité d’accroître les pouvoirs de la CNCTR notamment en lui conférant un pouvoir contraignant. Dans un troisième et dernier amicus curiae déposé le 2 juillet 2015 (6), un avocat souligne notamment l’absence de définitions légales de neuf termes utilisés dans la loi renseignement et le fait que ces définitions sont laissés à l’appréciation du pouvoir exécutif. Le Conseil constitutionnel doit statuer dans un délai d’un mois. La saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation de la loi relative au renseignement Didier Gazagne Lexing Droit Intelligence économique (1) Consultez nos précédents articles sur le projet de loi : post du 20-4-2015, post du 22-4-2015, post du 24-4-2015. (2) CE, 10ème / 9ème SSR, n°388134, Arrêt du 5-6-2015. (3) Mémoire Génération Libre, 25-6-2015. (4) Amicus curiae FDN, Quadrature du Net, FFDN, 29-6-2015. (5) Amicus curiae Syntec, Afdel, Asic, Renaissance numérique, 1-7-2015. (6) Amicus curiae, Me Ledieu, 2-7-2015.

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Pénalités de retard dans les marchés publics informatiques

Dans un arrêt en date du 8 janvier 2015 (1), la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que lorsque le CCAP (cahiers des clauses administratives particulières) prévoie des provisions de pénalités de retard intermédiaires, seul le dépassement du délai global contractuellement défini donne lieu à l’application de pénalités définitives. Aux termes de l’article 20.1 du CCAG (cahier des clauses administratives générales) applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret 76-78 du 21 janvier 1976 : « Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d’œuvre ». Il est en effet recommandé dans le cadre de marchés publics notamment informatique de fixer des pénalités de retard à titre provisionnel en cas de dépassement des délais fixés par le calendrier détaillé d’exécution. Les pénalités de retard ont une fonction dissuasive et réparatrice mais ne doivent pas pour autant être excessives. En l’espèce, une société attributaire d’un marché de construction d’un groupe scolaire a souhaité contester les pénalités de retard à titre prévisionnel que la personne publique lui a infligé suite au dépassement des délais fixés par le calendrier détaillé d’exécution. La Cour administrative d’appel a jugé que lorsque le prestataire dépasse les délais fixés par le calendrier détaillé d’exécution, le nombre de jours de retard devant être pris en compte pour déterminer les pénalités définitives se calcule en comparant la date d’achèvement de la prestation et à la date d’exécution du délai contractuel global. Quoiqu’il en soit, seul le dépassement du délai global peut être sanctionné. En l’espèce, le retard de nature à donner lieu à l’application de pénalités définitives devait être calculé au regard du délai global contractuellement défini. La cour a réformé le jugement du tribunal administratif de Dijon en constatant que le délai global d’exécution contractuellement défini n’avait pas été dépassé. Elle a donc jugé que l’application des pénalités de retard n’était pas justifiée. La cour a considéré « qu’indépendamment de la possibilité d’infliger des pénalités, à titre provisionnel, en cas de dépassement des délais fixés par le calendrier détaillé d’exécution, le nombre de jours de retard devant être pris en compte pour déterminer les pénalités qui seront infligées à titre définitif, à l’occasion de l’édiction du décompte général et définitif, se calcule en comparant la date d’achèvement des travaux à la date d’expiration du délai contractuel global ». Pour la cour, « le retard de nature à donner lieu à l’application de pénalités définitives, à l’occasion de l’édiction du décompte général et définitif, doit être calculé au regard de ce délai global contractuellement défini, et non au regard des délais de fin de travaux mentionnés dans les calendriers détaillés d’exécution successivement établis ». Il convient donc de fixer un calendrier détaillé d’exécution et un délai d’exécution contractuel global. François Jouanneau Lexing Droit Marchés publics (1) CAA Lyon 08-01-2015, n°14LY00293.

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Une extension de l’accès au traitement des antécédents judiciaires

Un décret du 10 juin 2015 étend les règles d’accès au traitement des antécédents judiciaires (TAJ) et au fichier des personnes recherchées (FPR) (1). Le traitement des antécédents judiciaires est utilisé dans le cadre d’enquêtes judiciaires pour rechercher des auteurs d’infractions ou encore dans le cadre d’enquêtes administratives, telles que les enquêtes préalables à certains emplois publics ou sensibles. Ce décret modifie l’article R. 40-29 du Code de procédure pénale et permet désormais aux agents du Centre National des Activités Privées (CNAPS) d’accéder au fichier de traitement des antécédents judiciaires. Le CNAPS est un établissement public administratif placé sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Il est chargé de délivrer les agréments, de contrôler et de conseiller les professions de sécurité privées. Grâce au décret, les agents du CNAPS pourront désormais fonder leurs décisions d’agrément sur les informations issues du traitement des antécédents judiciaires. Avant la publication du décret, le CNAPS pouvait seulement savoir si l’intéressé était inscrit ou non sur le fichier de traitement des antécédents judiciaires (2). Si l’agent remarquait que l’intéressé était inscrit sur le fichier, il pouvait alors formuler une demande d’information complémentaire, ce qui avait pour conséquence de rallonger les délais de délivrance de cartes professionnelles ou d’autorisation préalable à l’entrée en formation. Le décret constitue une extension considérable puisqu’il permet désormais aux agents du CNAPS de connaître directement les faits pour lesquels la personne a été poursuivie ou condamnée. Afin de garantir les droits des personnes concernées, il est prévu que préalablement à la prise d’une décision défavorable, les agents du CNAPS auront l’obligation de demander un complément d’information auprès des services de police et de gendarmerie nationale. Ces derniers devront également vérifier les suites judiciaires auprès du ou des procureurs de la République compétents, dans le cas où la consultation du traitement des antécédents judiciaires révélerait que la personne a été judiciairement mise en cause. Le CNAPS aura également accès au Fichier des personnes recherchées. Ce fichier regroupe toutes les personnes faisant l’objet d’une mesure de recherche ou de vérification de leur situation juridique. Le décret a enfin étendu l’accès au traitement des antécédents judiciaires aux agents de préfecture chargés de l’application de la réglementation relative aux étrangers, aux titres d’identité et de voyage et aux permis de conduire. Cette extension devra être réalisée sous le contrôle de la Cnil et encadrée de garanties suffisantes afin que soient préservés les droits des personnes concernées. Virginie Bensoussan-Brulé Lexing Droit pénal numérique (1) Décret n°2015-648 du 10-6-2015 (2) Voir un précédent Post du 22-5-2012

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Lexing 2015 : Quelle est la place du robot dans notre société ?

Lexing 2015 : Quelle est la place du robot dans notre société et l’avenir des relations Homme – Robot ? Tel était le thème abordé par Nicolas Buttet Prêtre fondateur de l’institut d’études anthropologiques Philantropos lors des journées Lexing 2015. Quel regard porter sur le robot mais surtout quelle intériorité peut-on découvrir …  Nicolas Buttet, ancien avocat et fondateur de l’institut d’études anthropologiques Philantropos (1), nous parle avec beaucoup d’humour et de poésie de la vulnérabilité, la fragilité, mais aussi de l’amour dans nos futurs relations Homme – Robot. Comment prendre en contraste ce qui est spécifiquement humain par rapport à cette puissance intelligente qui est en train de se développer dans la robotique ? qu’est-ce qui à un moment donné, pourrait redonner une spécificité à l’être humain ?  Verrons-nous un jour un robot raconter une blague vraiment bonne. Pour Nicolas Buttet, ce qui va faire l’essentiel et la spécificité de l’être humain, ce n’est pas tant l’intelligence mais c’est le cœur et l’amour, la surprise et la créativité qui sont des qualités humaines… Accéder à la vidéo Vidéo réalisée par Henri Rimbaud : http://lebienveilleur.com/ (1) Institut européen d’études anthropologiques, partenaire de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg.

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