copie privée

Propriété intellectuelle

Heurs et malheurs de la copie privée ? de nouveaux barèmes

Suite à la démission des industriels de la commission pour copie privée, l’adoption de nouveaux barèmes avant le 31 décembre 2012 s’annonce délicate. Ainsi que le souhaite un grand nombre d’industriels, une nouvelle réforme de la rémunération pour copie privée pourrait être envisagée. Dans le même temps, une réforme du régime de la copie privée et de son mode de rémunération est envisagée pour tenir compte du développement du cloud computing. Acte 1 : le dispositif de rémunération pour copie privée – Créée par la loi n°85-660 du 3 juillet 1985, dite loi Lang, la rémunération pour copie privée vise à compenser le manque à gagner des auteurs ou de leurs ayants-droit résultant de la possibilité pour les consommateurs de réaliser des copies licites de leurs œuvres, à des fins privées. Calculée à partir d’études d’usage prenant en compte les habitudes des consommateurs, elle est payée par ces derniers, lors de l’achat de support de stockage ou d’enregistrement (tablettes, disques durs, DVD, clé USB etc.). Ce montant varie en fonction des supports utilisés. Il est voté par la commission sur la rémunération pour copie privée. Acte 2 : l’exonération des professionnels – Conformément aux exigences communautaires, depuis la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 sur la rémunération pour copie privée, sont exclues de la rémunération pour copie privée les copies réalisées à partir de sources illicites et les supports d’enregistrement acquis à des fins professionnelles. Cette loi fixe également le délai dans lequel la commission sur la rémunération pour copie privée devra établir les nouveaux barèmes applicables aux différents supports d’enregistrement et de stockage. Cette dernière a « jusqu’au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la loi », soit jusqu’au 31 décembre 2012. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, les industriels du secteur des nouvelles technologies, n’ont pas manqué de manifester leur désapprobation, saisissant à plusieurs reprises le Conseil Constitutionnel. Le 16 mai 2012, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État (1), d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC) relative aux dispositions du I de l’article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011. Cet article fixe les dispositions transitoires applicables. Dans l’attente de nouveaux barèmes de rémunération pour copie privée et afin d’éviter tout vide juridique, les barèmes fixés par la décision n° 11 annulée par le Conseil d’Etat restent applicables. Par décision du 20 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011, qui poursuit « un but d’intérêt général suffisant et a une portée strictement définie, est conforme à la Constitution ». Le 17 octobre 2012, c’est au tour de la Cour de cassation (2) de renvoyer devant le Conseil constitutionnel une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité relative au point II de l’article 6 de la loi lequel dispose que « les rémunérations perçues ou réclamées en application de la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l’article L 311-5 du Code de la propriété intellectuelle au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée, qui ont fait l’objet d’une action contentieuse introduite avant le 18 juin 2011 et n’ont pas donné lieu, à la date de promulgation de la présente loi, à une décision de justice passée en force de chose jugée sont validées en tant qu’elles seraient contestées par les moyens par lesquels le Conseil d’Etat a, par sa décision du 17 juin 2011, annulé cette décision de la commission ou par des moyens tirés de ce que ces rémunérations seraient privées de base légale par suite de cette annulation ». Cette question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant la société française du radiotéléphone (SFR) à la Société pour la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore (Copie France), SFR contestant la licéité « des factures émises et à émettre » par Copie France sur le fondement de la décision n° 11 annulée par le Conseil d’Etat. Enfin, récemment, le syndicat de l’industrie des technologies de l’information (SFIB) a soulevé, devant le Conseil d’Etat, une question prioritaire de constitutionnalité relative au mécanisme de remboursement des professionnels prévu par la loi (3). Selon le SFIB ce mécanisme de remboursement conditionnel ne permet pas d’exonérer réellement les professionnels du paiement de cette taxe. Acte 3 : la définition sous tension de nouveaux barèmes – Alors que la commission, composée d’industriels, d’ayants-droit et de consommateurs, doit voter avant le 31 décembre 2012 les nouveaux barèmes applicables à la rémunération pour copie privée, les industriels viennent de démissionner de la commission. Toutefois, selon les propos d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, recueillis par le journal Le Point, la commission pourrait « tout à fait continuer son travail même sans les industriels ». De leur côté, les industriels et UFC-Que Choisir ont répondu aux propos de la ministre, dans un communiqué de presse, jeudi 22 novembre. Selon eux, « en déclarant que « la Commission de la Copie Privée reste à même d’adopter régulièrement les décisions qu’elle a prévu de prendre », alors que la démission de cinq de ses membres est officiellement actée, les représentants d’ayants droit – soutenus par le Ministère de la culture – démontrent que les consommateurs et les industriels n’ont été, jusqu’alors, que des figurants généreusement invités à célébrer avec eux les hausses successives des redevances, maquillées en décisions démocratiques ». Ils ajoutent « c’est pourquoi les organisations démissionnaires n’hésiteront pas à faire sanctionner devant les plus hautes juridictions françaises et la Commission européenne toute manœuvre et coup de force visant à faire adopter par une commission qui n’est plus valablement constituée, de nouveaux barèmes illégaux ». Ce communiqué intervient au lendemain de la table ronde organisée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale au terme de laquelle il ressort que le

Propriété intellectuelle

La copie privée devant le Conseil d’Etat

Dans le cadre d’un recours devant le Conseil d’Etat contre la décision n°14 de la commission copie privée fixant le barème de la rémunération pour copie privée sur les tablettes numériques, le syndicat de l’industrie des technologies de l’information (SFIB) a saisi le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 4 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 sur la rémunération pour copie privée.

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Les DRM habilitées, la copie privée sacrifiée ?

Les DRM ou Digital Rights Management « Gestion des droits numériques » désignent la technologie de sécurisation d’une œuvre numérique et de gestion des droits d’accès à cette œuvre. Par le biais de quatre composants- l’encodeur qui crypte les fichiers protégés par le droit d’auteur, le serveur de streaming qui permet l’accès aux fichiers, le lecteur qui déchiffre le codage et le logiciel de gestion de droits qui détermine à qui reviennent les droits et selon quelle répartition- l’architecture DRM permet : d’une part, de tracer les actes de l’utilisateur des fichiers afin de vérifier s’il est autorisé à accéder aux fichiers puis s’il respecte bien les droits de l’auteur ; d’autre part, d’empêcher ou de limiter l’accès à l’œuvre ou les copies possibles de l’œuvre numérique. Cette deuxième fonction de verrou a été habilitée par la Directive communautaire 2001/ 29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects des droits d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, puis par le Projet de loi de transposition « DADVSI » (relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information) présenté le 12 novembre 2003. En effet, ces deux textes officialisent la protection des « mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droits d’auteur d’une œuvre, interprétation, phonogramme, vidéogramme ou programme en dehors des logiciels ». Ces mesures sonnent-elles le glas du droit à la copie privée dans l’univers numérique ? Certes, le Projet de loi DADVSI, qui reprend les termes de la Directive communautaire, réaffirme le droit à la copie privée auquel les mesures techniques de protection ne doivent pas porter atteinte (1). Cependant, ce droit à la copie privée est soumis à trois conditions cumulatives, dont deux ont un caractère totalement subjectif, directement inspiré de l’article 9.2 de la convention de Berne, à savoir : les personnes bénéficiaires de l’exception de copie privée doivent avoir un accès licite à l’œuvre, l’exception de copie privée ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, l’exception de copie privée ne doit pas causer de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droits sur cette œuvre. Que faut-il entendre par exploitation normale de l’œuvre ? Cette question est laissée à la libre interprétation des juges, ce qui peut entraîner des contradictions. L’affaire « Mulholland Drive » est une belle illustration de ces contradictions dans l’interprétation prétorienne de « l’exploitation normale de l’œuvre ».Tandis que la Cour d’appel de Paris avait considéré, dans son arrêt du 22 avril 2005, qu’une copie privée de DVD ne pouvait nuire à l’exploitation normale de l’œuvre, la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation, dans sa décision du 28 février 2006, a affirmé au contraire que, compte tenu de l’importance économique que l’exploitation de l’œuvre sous forme de DVD représente pour l’amortissement des coûts de production cinématographique, la copie privée représente une atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. Ainsi, la cour de cassation, qui reprend la thèse soutenue par les juges de première instance(2), considère que doit être prise en compte l’incidence économique que la copie privée peut avoir dans le contexte de l’environnement numérique. Elle ne contredit pas les termes de l’article L.122-5 du code de propriété intellectuelle selon lesquels « l’auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». En effet, le particulier qui a acheté le DVD et qui doit donc être envisagé comme le copiste au sens de l’article L.122-5 du Code de propriété intellectuelle, n’a nullement besoin de faire plusieurs exemplaires de son DVD pour son usage privé. Néanmoins, une telle position des juges remet en question la légitimité de la taxe sur les supports vierges d’enregistrement. En effet, ainsi que l’a souligné le directeur des études et de la communication de l’UFC- Que Choisir (3), « le DVD vierge est le support sur lequel la redevance est la plus forte en France » ; or, si c’est « l’endroit où l’éventail des droits est le plus faible », on arrive à un paradoxe certain qui conduirait à revoir à la baisse la rémunération pour copie privée appliquée sur les supports vierges d’enregistrement. Loin du système anglo-saxon des « precedents », notre système ne permet pas de considérer que la décision de la cour de cassation a posé un principe immuable quant à l’interprétation de la notion « d’exploitation normale de l’œuvre ». Afin de pallier les problèmes d’interprétation, le Projet de loi DADVSI envisage, dans son article 9, d’introduire un article L.331-7 dans le Code de propriété intellectuelle selon lequel tout différend portant sur le bénéfice de l’exception de copie privée qui implique une mesure technique de protection sera soumis à un collège de médiateurs. Le Collège de médiateurs a pour but de déterminer comment appliquer les DRM suivant chaque cas exposé afin de sauvegarder dans une certaine mesure le droit à la copie privée en essayant de parvenir à une conciliation et à défaut, de prescrire une injonction ou un rejet de la demande formulée par la personne s’estimant bénéficiaire d’un droit à la copie privée. Cependant, un Collège de médiateurs, composé de magistrats ou fonctionnaires indépendants (4), jouit-il d’une légitimité et d’une appréhension de l’environnement numérique suffisantes pour se prononcer sur la question de la licéité des DRM ? Laurence Tellier-Loniewski Lexing Droit Propriété intellectuelle (1) Art. 8 du Projet de loi DADVSI du 12 novembre 2003. (2) TGI Paris, 30 avril 2004 (disponible sur juriscom.net, legalis.net, foruminternet.org), GTA Juillet 2004, Doctrine : « Exploitation normale d’une œuvre numérique : vers le Fair Use américain ? » Benoit de Roquefeuil, Ariane Delvoie. (3) « Copie Privée sur les DVD : l’UFC- Que choisir prêt à repartir à la bagarre en appel », Estelle Dumout, ZDNet.fr, 1er mars 2006 (http://www.zdnet.fr/ (4) Art. 9 du projet de loi DADVSI du 12 novembre 2003.  

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