Diffamation

RGPD dans les collectivités
Presse et communication numérique

Vers un élargissement communautaire de l’ immunité parlementaire ?

Dans sa décision du 12 avril 2012, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France pour ingérence dans l’exercice du droit de liberté d’expression d’un élu. Celui-ci avait été condamné pénalement pour diffamation publique envers un opposant politique. En l’occurrence, il s’agissait d’un élu municipal qui, au cours d’une séance du conseil municipal, avait invectivé l’adjoint au maire chargé des finances de la ville sur les conditions de sa gestion. La Cour rappelle « que la critique à l’égard d’un homme politique est plus large que celle d’un simple particulier ». Surtout, elle énonce que « si les déclarations du requérant n’étaient pas couverte par une quelconque immunité parlementaire, elle ont été prononcées dans une instance pour le moins comparable au parlement pour ce qui est de l’intérêt que présente, pour la société, la protection de la liberté d’expression », et en déduit qu’une ingérence dans la liberté d’expression exercée dans le cadre de ces organes ne peut se justifier que pour des motifs impérieux qui n’étaient pas réunis en l’espèce. En se prononçant de la sorte, la Cour livre sa vision générale de ce que doit impliquer le régime des immunités prévue par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, notamment de l’ immunité parlementaire qui figure au premier alinéa, si ce régime veut respecter le principe énoncé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme Elle semble considérer que le régime dérogatoire qui s’applique aux paroles prononcées au sein des deux chambres du parlement national s’étend, de fait, aux paroles proférées par un élu lors d’un conseil municipal. Cette décision n’est pas exempte d’interrogations. Tout d’abord, quelle est le champ d’application de la solution énoncée ? S’applique-t-elle uniquement aux conseils municipaux ? A tous les organes décisionnaires des collectivités territoriales ? Ou, plus largement, aux paroles prononcées au sein de tous les conseils d’entités bénéficiant d’un statut public ? Par ailleurs, se pose la question de savoir comment concilier cette interprétation extensive de la liberté d’expression, telle que définie à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec la formulation stricte de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, qui réserve le régime des immunités aux discours prononcés aux sein de l’Assemblée nationale et du Sénat. A n’en pas douter, cette solution risque de générer des contradictions entre les décisions judiciaires nationales et celles rendues sur le fondement de la Convention européenne des droits de l’homme. CEDH 12-4-2012 n° 54216/09

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Conflit entre liberté d’expression et respect de la vie privée

Par deux arrêts rendus le 7 février 2012, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée sur l’articulation entre liberté d’expression et respect de la vie privée avec un léger avantage pour la première. Dans une première affaire, un journal allemand avait publié des photographies et un article relatant l’arrestation par la police puis la condamnation d’un acteur de télévision pour possession illégale de stupéfiants. Les juges, saisis sur le fondement de l’article 10 de la CEDH, ont considéré que la condamnation du journal était justifiée, alors que la photographie avait été prise dans un lieu très touristique et que les informations étaient confirmées par des sources sûres. Dans la seconde affaire un journal allemand avait publié une photographie accompagnée de commentaires sur le mauvais état de santé de la célébrité concernée. La Cour a estimé que la photographie avaient contribué à un débat d’intérêt général et que les commentaires n’étaient pas déraisonnables. A l’aune de ces deux arrêts, la primeur semble être conférée à la liberté d’expression sur le droit au respect de la vie privée. Et le fait que l’on soit en présence de presse « people » ne paraît pas modifier la donne. En revanche, la Cour semble plus frileuse à faire prévaloir l’article 10 de la CEDH sur l’article 8 lorsque les faits publiés sont liés à une procédure pénale. Sans constituer un revirement, ces deux décisions permettent de palper un peu la position actuelle des juges européens sur un sujet aussi fluctuant. CEDH 7-2-2012 n° 39954/08 CEDH 7-2-2012 n° 40660/08 et 60641/08

filtrage
Fournisseur d'accès, Internet contentieux

Mesures de blocage ordonnées à l’encontre du site Copwatch

Le Tribunal de grande instance de Paris a ordonné, par un jugement du 14 octobre 2011, le blocage du site Copwatch. Blocage du site Copwatch pour prévenir un dommage Le site Copwatch, qui se présentait comme destiné à lutter contre les violences policières, diffusait notamment des informations sur des policiers (noms, lieux d’affectation et photographies de fonctionnaires de police). Le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration avait saisi le juge des référés en vue d’obtenir le blocage, par les principaux fournisseurs d’accès à internet, d’une série d’URL du site, sur le fondement de l’article 6-I-8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Cet article prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire, en référé ou sur requête, aux fournisseurs d’hébergement, ou, à défaut, aux fournisseurs d’accès, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication en ligne. Le juge déclare la demande recevable, car ni le directeur de la publication, ni l’éditeur, ni l’hébergeur du site Copwatch n’avaient pu être identifiés. Il retient ensuite le caractère diffamatoire de certains propos figurant sur le site à l’encontre des services de police, ainsi que la violation des dispositions de la loi Informatique et libertés. En effet, le site collectait des données à caractère personnel à l’insu des personnes concernées. Blocage du site Copwatch : quelle efficacité ? Concernant la nature de la mesure destinée à faire cesser le dommage, le ministre sollicitait le blocage par URL, qui permet d’empêcher l’accès à des pages spécifiques d’un site. Les fournisseurs d’accès soulevaient, rapport d’expert à l’appui, le caractère inefficace et coûteux de cette technique, qui nécessite des mesures avancées d’analyse du trafic (de type DPI, Deep Packet Inspection). Le juge relève que ce système nécessite l’acquisition d’ordinateurs « destinés à analyser toutes les requêtes d’abonnés afin de déterminer si le fournisseur d’accès peut ou non les transmettre vers le site ; que les experts ont conclu que chaque fournisseur au réseau internet français se trouverait contraint de faire l’acquisition de “20 à 30 systèmes de ce type” auxquels il faudrait ajouter “au moins un site web de détournement des requêtes”, ainsi que “plusieurs ordinateurs de supervision et de maintenance de ces équipements” ». Selon le juge des référés, cette mesure « n’est ni adaptée ni proportionnée » et n’est donc nullement « propre » à mettre fin au dommage. Il ordonne, par conséquent, un blocage par les sociétés fournisseurs d’accès en cause par « tous moyens dont elles peuvent disposer en l’état de leur structure et de la technologie (blocage par IP ou par DSN) », étant mentionné que ce type de blocage concerne l’ensemble du site Copwatch. On peut noter que le site est désormais inaccessible à l’adresse https://copwatchnord-idf.org, mais son contenu dupliqué demeure accessible par le biais de nombreux sites « miroirs » à d’autres adresses URL, contournant ainsi la mesure de blocage par IP ou par DNS. Le dernier point soulevé concernait la prise en charge des coûts occasionnés par les mesures ordonnées, la LCEN ne prévoyant pas de mécanisme d’indemnisation des prestataires. S’appuyant sur le principe d’égalité devant les charges publiques, le juge retient que le ministre devra en supporter la charge financière. TGI Paris 14-10-2011 n° 11-58052

Presse et communication numérique

Vers une identification des blogueurs ?

Pour faciliter l’identification des éditeurs de sites de communication en ligne, en particulier des « blogueurs » professionnels et non professionnels, une proposition de loi  a été déposée au Sénat. Le cadre juridique des blogs a été posé en juin 2004 par la LCEN qui prévoit l’obligation pour les services de communication au public en ligne, de diffuser une notice légale ou, à défaut, en cas de site « personnel », de donner les informations d’identification à l’hébergeur. Mais ce cadre relativement léger a été fixé à une époque où les blogs ne représentaient qu’un phénomène marginal. Or depuis juin 2004, ils se sont multipliés de façon exponentielle, en même temps que les débordements en matière de liberté d’expression. Bien que responsable pénalement et civilement des propos qu’il tient et de l’ensemble des éléments qu’il édite, le blogueur non professionnel n’a pas les mêmes obligations que le blogueur professionnel en ce qui concerne son identification. La loi lui permet en effet de préserver son anonymat en se limitant à tenir à la disposition du public les éléments d’identification de l’hébergeur du blog à qui il doit, bien entendu, transmettre ses coordonnées personnelles. De fait, cela ne facilite pas l’exercice concret du droit de réponse des personnes nommément mises en cause par des auteurs anonymes dont les données d’identification sont incomplètes, voire erronées, l’hébergeur n’ayant pas d’obligation de les contrôler. Face à la multiplication des sites et des propos litigieux que peuvent contenir les blogs, le Sénat propose d’étendre aux éditeurs non professionnels de sites internet, et en particulier aux « blogueurs », les obligations d’identification requises des professionnels. L’assimilation de l’éditeur non professionnel au directeur de la publication aurait pour corollaire d’introduire explicitement l’obligation de fournir une adresse électronique pour faciliter le droit de réponse. Cela mettrait ainsi un terme à la distinction devenue, en pratique, largement inopérante entre éditeurs de sites professionnels et non professionnels. PLO Sénat 423 du 3-5-2010

Presse et communication numérique

La diffamation par télécopie

Diffamation La diffamation par télécopie Condamné pour diffamation publique envers un particulier, un chirurgien avait formé un pourvoi en cassation, au motif que l’utilisation qu’il avait du fax ne pouvait donner, de facto, un caractère public à la diffamation. La Cour de cassation a entendu sa cause, en rappelant l’assimilation de l’envoi d’une télécopie à une correspondance privée. En l’espèce, elle a considéré que la télécopie était un moyen de communication utilisé pour transmettre des messages à caractère privé à un public de professionnels de santé. En outre, la cour a complété la notion de publicité en attachant une importance à la composition du groupe relevant que lorsque les écrits litigieux sont portés à la connaissance d’une communauté homogène de personnes partageant un même intérêt, le caractère de publicité fait défaut. Cass., crim, 19 juin 2001

responsabilité pénale
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Diffamation:Le TGI est compétent pour les délits de presse

Le tribunal de grande instance est compétent pour tous les délits de presse. Le décret du 29 décembre 2009 a modifié le Code de l’organisation judiciaire et expressément attribué aux tribunaux de grande instance une compétence exclusive pour connaître des « actions civiles pour diffamation ou injures publiques ou non publiques, orales ou verbales » (article R. 211-4, 13° du Code de l’organisation judiciaire). Ainsi, toutes les actions menées en matière de diffamation ou injure devront l’être devant le tribunal de grande instance, quel que soit le quantum des dommages et intérêts en matière civile. Ce décret s’applique à compter du 1er janvier 2010, sans rétroactivité aux procédures pendantes à cette date. Le juge de la mise en état de la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris a déjà eu l’occasion d’appliquer cette nouvelle disposition et a rendu, le 13 janvier 2010, une ordonnance aux termes de laquelle a été rappelé que : « le décret 2009-1693 du 29 décembre 2009 relatif à la répartition des compétences entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance a attribué compétence exclusive au tribunal de grande instance, s’agissant des « actions civiles pour diffamation et pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites », sans plus distinguer selon que les délits avaient été ou non commis par voie de presse (article R 221-4 du code de l’organisation judiciaire dans sa rédaction issue de ce décret) ». Décret n° 2009-1693 du 29 décembre 2009 (Mise en ligne Janvier 2010) Autres brèves Droit de réponse en ligne et directeur de la publication (Mise en ligne Mai 2009) Un nouvel accès à un contenu existant ne vaut pas nouvelle publication (Mise en ligne Mars 2009)  

Télécoms Juillet
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La prescription des infractions de presse commises sur internet

La fameuse prescription de trois mois concernant les délits de presse prévue par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 pose nombre de problèmes, à différents degrés, en ce qui concerne les sites internet qui diffusent des textes à caractère raciste. Le point de départ de l’action doit être fixé à la date du premier acte de publication puis, en cas de nouvelle publication, la prescription doit être fixée au jour de chacune des publications nouvelles. En décidant de rendre son site accessible par une nouvelle adresse, plus courte, le prévenu avait créé un nouveau mode d’accès et qui plus est permettant d’accroître le nombre d’internautes. Les textes sont alors considérés comme réédités, la prescription de l’action publique n’est donc pas acquise. Adoptant une attitude aussi sévère à l’égard des « délinquants du monde de la presse», la loi Perben II a rallongé le délai de prescription à un an à compter de la première publication pour les auteurs de propos racistes ou négationnistes. CA Paris 11e ch. sect. B. 29 janvier 2004

Dématérialisation et télétravail
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Diffamation sur internet : vers un alignement des délais deprescription

Plusieurs sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à allonger le délai de prescription de l’action publique pour les diffamations, injures ou provocations commises par l’intermédiaire d’internet. Ces délits seraient soumis au même délai de prescription qu’ils soient commis sur internet ou dans la presse écrite. La proposition de loi tend à résoudre un problème bien identifié, mais non résolu, tout en prenant en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui exclut une remise en cause du point de départ du délai de prescription de l’action publique et de l’action civile résultant des infractions visées par la loi du 29 juillet 1881. Elle prévoit donc simplement un allongement de trois mois à un an de ce délai si les infractions ont été commises par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne. PLO Sénat 423 du 25-6-2008

anticorruption
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La prescription des délits de presse sur internet

Une proposition de loi veut étendre le délai de prescription pour les délits de presse commis sur internet. Ce délai serait porté de trois mois à un an à partir de la publication d’un contenu incriminé. Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture par le Sénat et transmise à l’Assemblée nationale. Le Sénat propose que le dernier alinéa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 soit rédigé de la manière suivante :

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Délits de presse : incidence d’une nouvelle adresse URL sur le délai de prescription

Dans cette affaire, un individu a été poursuivi du chef d’injure et de diffamation publiques raciales, provocation à la haine ou à la violence raciale et provocation non suivie d’effet à des atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne, à la suite de la diffusion sur son site internet accessible à l’adresse http://alter.org.costes/ au mois d’avril 1997, ainsi qu’à l’adresse http://costes.org/ au mois de juillet 1997, de textes intitulés « Apprenez le caniveau aux bicots », « Les races puent » et « Blanchette, tapette à bicots ». Le prévenu soutenait que les infractions poursuivies étaient prescrites, au sens de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, selon lequel ces infractions se prescrivent par trois mois, la diffusion des textes litigieux étant intervenue plus de trois mois avant l’engagement des poursuites. Il indiquait que l’adjonction de la nouvelle adresse internet ne correspondait ni à la création d’un nouveau site, ni à un changement de prestataire de stockage ou de lieu de stockage des données. L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit, pour les délits de presse, par dérogation à la règle de droit commun selon laquelle les délits se prescrivent par trois ans, une prescription abrégée de trois mois. En matière de délits de presse commis sur internet, le point de départ du délai de trois mois est la date du premier acte de publication, c’est-à-dire celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des internautes. La cour d’appel a rejeté l’exception de prescription de l’action publique soulevée par le prévenu, aux motifs qu’en créant un nouveau moyen d’accès à son site, plus accessible par une adresse plus courte et donc plus simple que l’adresse initiale, le prévenu a renouvelé la mise à disposition des textes incriminés dans des conditions assimilables à une réédition, faisant ainsi repartir le point de départ du délai de prescription de l’action publique, prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, à compter de la date de création de la seconde adresse permettant d’accéder au site. Par arrêt du 6 janvier 2009, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé au contraire que « la simple adjonction d’une seconde adresse pour accéder à un site existant ne saurait caractériser un nouvel acte de publication de textes figurant déjà à l’identique sur ce site ». En d’autres termes, la modification d’une adresse URL pour accéder à un site existant ne caractérise pas un nouvel acte de publication. Cass. crim. 6 janvier 2009

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