droit de la propriété industrielle

contre la contrefaçon
Propriété intellectuelle

Logiciels et programmes d’ordinateurs : coup dur pour la protectiondes programmes

La Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a, par un arrêt du 2 mai 2012 énoncé que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions n’étaient protégés par le droit d’auteur. Elle répondait à la question posée par la High Court of Justice tendant à l’interprétation des directives du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur et du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Programmes d’ordinateurs et fonctionnalités Dans le cas d’espèce, une société avait développé un ensemble de programme de traitement et d’analyse de données. Une société concurrente, estimant que ce programme pouvait faire l’objet d’un programme alternatif, a légalement acheté des copies sous licence du logiciel initial afin de les étudier, d’en comprendre le fonctionnement et de créer son propre programme. Ce programme a été développé de manière à permettre aux utilisateurs d’utiliser ce dernier pour mettre en œuvre les scripts développés pour le logiciel initial. Constatant que son concurrent avait copié certains composants de son logiciel ainsi que les manuels correspondant, la société première assigne la seconde en contrefaçon de droits d’auteur et violation des termes de la licence d’utilisation des logiciels régulièrement acquis. C’est dans ce contexte que la juridiction nationale saisie (High Court of Justice) a été conduite à interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur le champ de protection accordé à la fonctionnalité des programmes d’ordinateur et au langage de programmation. Programmes d’ordinateurs : quelle protection ? Concernant la protection de la fonctionnalité des programmes d’ordinateurs, la CJUE rappelle que la protection accordée par le droit d’auteur vise uniquement à protéger « l’expression individuelle de l’œuvre » et que la fonctionnalité d’un programme ne constitue pas une forme d’expression de ce programme. Elle se rallie en ce sens aux conclusions de l’avocat général considérant que le fait de retenir la protection de la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur aboutirait à autoriser un monopole des idées « au détriment du progrès technique et du développement industriel ». S’agissant de la protection des codes, la CJUE rappelle que « si un tiers se procurait la partie du code source ou du code objet relative au langage de programmation ou au format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur et qu’il créait, à l’aide de ce code, des éléments similaires dans son propre programme d’ordinateur, ce comportement serait susceptible de constituer une reproduction partielle ». Au cas d’espèce, la Cour relève que le licencié a reproduit la fonctionnalité du logiciel initial, non en accédant au code source du programme et en procédant à une décompilation mais uniquement par observation et par tests du comportement du programme dont il a ensuite reproduit la fonctionnalité en utilisant les mêmes langages de programmation et formats de fichiers. Le langage de programmation et le format de fichiers d’un programme n’étant pas, en tant que tels protégés par le droit d’auteur, la Cour conclut que le titulaire du droit d’auteur ne peut interdire à un tiers titulaire d’une licence d’observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme « afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément dudit programme, lorsqu’il effectue des opérations couvertes par cette licence ainsi que des opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du programme d’ordinateur et à condition qu’il ne porte pas atteinte aux droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur sur ce programme ». Programmes d’ordinateurs et création intellectuelle S’agissant enfin de la reproduction des manuels d’utilisation, la CJUE laisse à la charge des juridictions nationales le soin d’apprécier si les éléments repris au sein du manuel constituent ou non « l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel » afin de déterminer l’existence d’une atteinte au droit de l’auteur du manuel. Cette solution, qui ne va certes pas dans le sens d’une protection étendue des programmes de logiciels pourrait raviver le débat d’une protection de la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur par le droit des brevets. En effet, et malgré une jurisprudence fluctuante en la matière, il n’est pas rare de voir l’Office Européen des Brevets, délivrer de tels titres sur des inventions mises en œuvre par un programme d’ordinateur dès lors que ce dernier apporte un « effet technique supplémentaire »… Virginie Brunot CJUE 2-5-2012 n° C-406/10

Marques et noms de domaine, Référencement

Référencement payant et mesures prises pour protéger ses marques

 Quelles mesures peuvent être prises pour protéger ses marques contre le phénomène du référencement payant ? Par un arrêt du 19 janvier 2012, la Cour d’appel de Lyon a débouté de ses demandes en contrefaçon et concurrence déloyale le titulaire de la marque et du nom commercial DICT.FR à l’encontre d’un concurrent ayant acheté, auprès du moteur de recherche Google, le mot-clé correspondant à des fins de référencement payant. Mais, plus surprenant, elle condamne le titulaire de la marque sur le fondement de la concurrence déloyale pour avoir fait bloquer, auprès du moteur de recherche Google, le mot clé correspondant à sa marque ! Le référencement payant Adwords Le titulaire de la marque et du nom commercial DICT.FR avait relevé que l’un de ses concurrents référençait son site dictservices.fr sur le moteur de recherche Google à partir du mot clé « dict.fr » et avait déposé la demande de marque e-DICT pour des produits et services similaires à ceux visés par la marque DICT.FR. Afin d’assurer la protection de ses droits, le titulaire de la marque antérieure a formé opposition à l’encontre de la demande de marque e-DICT aboutissant au rejet de la demande d’enregistrement par l’INPI. Par ailleurs, il s’est adressé au moteur de recherche Google afin de voir bloquer le mot-clé « dict.fr » dans le cadre du service de référencement payant Adwords. En réaction, le titulaire du nom de domaine disctservices.fr forme une action en nullité de la marque DICT.FR, dont l’élément « dict » serait l’acronyme de « Déclaration d’Intention et de Commencement de Travaux », ainsi qu’en concurrence déloyale, à raison du blocage auprès du moteur de recherche Google, du mot-clé « dict.fr ». Le titulaire de la marque antérieure agit reconventionnellement et logiquement sur le fondement de la contrefaçon de sa marque et de la concurrence déloyale. Le droit des marques Infirmant la décision de première instance, la Cour d’appel de Lyon rejette la demande de nullité considérant que la marque DICT.FR « largement et continuellement exploitée en tant que marque depuis 2000 et au moins depuis 2004, a ainsi atteint, compte-tenu des caractéristiques du secteur d’activité sur internet, une distinctivité suffisante pour être valable ». Pour autant, elle rejette également l’action en contrefaçon de marque par l’utilisation du nom de domaine « dictservices.fr », retenant, d’une part, l’existence de nombreuses autres marques très proches, ainsi que « le terme disctservices.fr diffère assez, par l’insertion du seul mot services, de la marque dont la contrefaçon est prétendue pour que le public ne puisse être amené à croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées ». S’agissant du référencement payant, la Cour se montre également sévère. Elle fait une interprétation restrictive de la règle posée par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre des affaires Google. La Cour d’appel de Lyon retient que le titulaire de la marque n’est habilité à interdire à un annonceur de faire de la publicité pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée « que si la publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ». L’atteinte au nom commercial Elle renvoie au même raisonnement et à la même solution concernant l’atteinte au nom commercial et rejette les demandes formées retenant qu’en l’espèce « nulle précision n’est donnée quant à l’existence d’un risque de confusion de la part de l’internaute en raison du contenu du site incriminé ». Allant plus loin encore, la Cour sanctionne le titulaire des droits antérieurs pour avoir fait bloquer le mot clé correspondant à ses marques et nom commercial, sur le fondement de la concurrence déloyale, au motif que ce blocage a « indûment fait perdre à [son concurrent], dont rien à cette époque ne permettait de soupçonner la loyauté, une chance de proposer son service à des internautes connaissant déjà le service dict.fr ». Tout en relevant que le titulaire des droits a pu, « au regard des solutions majoritairement retenues par les cours et tribunaux », croire pouvoir agir de la sorte, la Cour le condamne à réparer le préjudice subi par son concurrent privé d’un moyen de publicité licite. Quelle politique de protection des droits ? Pour sévère qu’elle soit, cette décision doit conduire les titulaires de signes distinctifs à s’interroger sur la politique de protection de leur droits. Ainsi, on ne saura que trop recommander la mise en place d’une politique active de protection du signe en amont, afin d’éviter, notamment lorsque le signe est faiblement distinctif, la multiplication de signes concurrents trop proches, critère pris en considération par la Cour pour retenir l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit. De la même manière, il convient de retenir que les demandes de suppression ou de blocage hâtif auprès de tiers, sans autorisation judiciaire préalable, sont susceptibles d’être sanctionnées par les tribunaux. Ainsi, face à une jurisprudence parfois encore incertaine, parfois sévère, le titulaire de signe distinctif devra agir avec circonspection dans le cadre de la protection de ses droits… Virginie Brunot CA Lyon 19-1-2012 n° 09/07831

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