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La réalité virtuelle et le droit d’auteur

Après le développement d’univers fantasmagoriques par le jeu vidéo dans les années 1990, la réalité virtuelle offre aujourd’hui une nouvelle possibilité d’accès au monde virtuel. Cette fusion entre deux états, le réel et le virtuel, qui permet la sensation du réel dans un univers virtuel, ou encore virtualité, crée un troisième état de réalité virtuelle, dont le caractère protéiforme rend la protection par le droit d’auteur complexe. Les applications de réalité virtuelle sont un patrimoine intellectuel protégeable par le droit d’auteur qui protège les « œuvres de l’esprit » originales quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination (1). L’application de réalité virtuelle qui réunit et intègre des composants multiples s’apparente à une œuvre multimédia dont le régime juridique doit lui être transposé par analogie (2). En tant qu’œuvre multimédia et l’instar des jeux vidéo, les applications de réalité virtuelle doivent être appréhendées comme des œuvres complexes. L’œuvre complexe, notion introduite par la Cour de cassation dans un arrêt du 25 juin 2009 (3), est celle au sein de laquelle sont incorporées diverses composantes. Le caractère protéiforme de l’œuvre complexe impose que chaque élément se voit appliquer le régime juridique qui lui est propre en fonction de sa nature mais également de son caractère réel ou virtuel. Ainsi, devront être appréciées selon leur propre régime de protection des œuvres de nature différente, telles que des œuvres littéraires, musicales, graphiques, audiovisuelles, des logiciels, des bases de données. En effet, la partie virtuelle de l’application est constituée d’éléments protégeables par le droit d’auteur comme des écrits, dessins, graphiques, compositions musicales, etc. Ces éléments, par l’effet d’immersion et d’interaction, ont vocation à fusionner avec le réel, par exemple par exemple le parcours d’une exposition, une construction architecturale. Cette fusion par le biais de l’application de réalité virtuelle pourrait équivaloir à une reproduction et à une représentation de l’œuvre issue du monde réel. Compte-tenu de la qualification distributive applicable, chaque composant identifié se voit appliquer le régime qui lui est propre. D’une part, l’éditeur de l’application de réalité virtuelle doit bénéficier d’une cession des droits attachés à chaque élément intégré dans l’œuvre de réalité virtuelle, qu’ils aient été créés par des prestataires externes ou des salariés (sauf pour le logiciel, l’employeur bénéficie d’une dévolution légale des droits sur les développements de ses salariés). Ni le contrat de travail, ni le contrat de commande n’emportant dérogation à ce principe. D’autre part, si le réel entraîne la reproduction d’œuvres protégées (œuvres d’art, œuvres architecturales, etc.), l’éditeur doit obtenir des auteurs ou ayant-droit les droits lui permettant de reproduire, puis de diffuser ces œuvres. Comme un site internet, l’application de réalité virtuelle prise dans sa globalité pourrait également être protégée de façon unitaire, sous réserve d’obéir au critère impératif d’originalité, appréciée au regard de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. L’approche unitaire ne doit toutefois pas restreindre l’approche distributive qui doit demeurer la règle pour l’intégration dans l’œuvre de divers éléments protégés par le droit d’auteur. Marie Soulez Lexing Contentieux Propriété intellectuelle (1) CPI, art. L. 112-1. (2) « Informatique, Télécoms, Internet », Ed. Francis Lefebvre, 5e Ed., chapitre IV Multimedia. (3) Cass. 1e civ., 25-6-2009, n° 07-20387.

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Quand la décompilation de logiciel est une contrefaçon

La décompilation d’un logiciel, quand elle n’est pas réalisée dans le cadre et les limites très stricts posés par la loi, est une contrefaçon. La Cour d’appel de Caen dans un arrêt rendu le 18 mars 2015 (1), a fait application de ce principe en condamnant l’auteur de la décompilation et de la publication du code source du logiciel Skype. L’article L 122-6-1 IV du Code de la propriété intellectuelle, issu de la directive européenne sur la protection des logiciels, a introduit une exception au monopole des auteurs de logiciels en autorisant sous certaines conditions la décompilation, c’est-à-dire l’opération qui permet de reconstituer le code source d’un logiciel à partir du code objet ou exécutable, écrit dans un format binaire. La décompilation s’opère à partir d’un programme appelé décompilateur. Mais la décompilation est très strictement encadrée la loi : elle n’est autorisée que si et dans la mesure où elle est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logiciel créé de manière indépendante avec d’autres logiciels. La décompilation doit ainsi avoir pour finalité exclusive la recherche d’interopérabilité entre logiciels, pour leur permettre de fonctionner ensemble et d’échanger leurs données. La décompilation est en outre conditionnée au fait d’avoir un droit d’usage régulier du logiciel, et que les informations nécessaires à l’interopérabilité ne soient pas déjà rendues facilement accessibles, raison pour laquelle nombre d’éditeurs publient les spécifications d’interface de leurs logiciels. La loi précise encore que les informations obtenues par décompilation ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la réalisation de l’interopérabilité du logiciel créé de manière indépendante, et ne peuvent être communiquées à des tiers. Au cas d’espèce, le prévenu comparaissait et a été condamné pour avoir publié sur internet un fichier Skype_rc4.c constituant pour l’essentiel une copie du fichier SkyCryptVI.CCP obtenu par décompilation du logiciel Skype et contenant l’algorithme d’expansion d’une clé de cryptage du logiciel Skype. La cour a tout d’abord écarté l’argument selon lequel l’objet de la décompilation serait un simple algorithme et non un logiciel, opérant une intéressante distinction entre les deux notions articulée autour des spécifications fonctionnelles. Elle a ainsi relevé que le fichier concerné constituait un ensemble d’instructions écrites dans un langage de programmation évolué, reflet de spécifications fonctionnelles particulières propres au logiciel Skype, caractérisant l’existence d’un logiciel, alors qu’un algorithme s’entend d’une succession d’opérations traduisant un énoncé logique de fonctionnalités sans spécifications fonctionnelles. La cour a ensuite refusé de condamner l’opération de décompilation en tant que telle, considérant qu’il n’était pas établi qu’elle ait excédé le cadre légal. En effet, le prévenu a fait valoir que la décompilation avait été réalisée dans le seul but de mettre au point une technique fiable et sécurisée d’échanges d’information sur internet compatibles avec Skype. L’argument a porté. En revanche, c’est l’utilisation des données obtenues par la décompilation qui, selon la cour, a constitué le délit de contrefaçon. En effet, le prévenu avait publié ces informations sur son blog dans un article intitulé « Skype’s biggest secret revealed » (Le plus grand secret de Skype révélé) où il invitait les internautes à « profiter » du « plus grand secret de communication de Skype l’algorithme d’expansion de clé de cryptage RC4 traduit en langage informatique C et pleinement réutilisable. ». Cette publication contrevenait manifestement à l’interdiction édictée par l’article L 126-6-1 IV 2° du code de la propriété intellectuelle de communiquer à des tiers les informations obtenues par la décompilation. Le motif invoqué à cette publication, à savoir ne pas laisser les seuls hackers profiter du système, n’a pas convaincu la cour, on ne s’en étonnera pas (2). Cette décision apporte un éclairage fort intéressant sur un sujet de droit d’une grande complexité technique, où la frontière entre les usages permis et la contrefaçon est parfois difficile à tracer. Laurence Tellier-Loniewski Lexing Droit Propriété intellectuelle (1) CA Caen, 18-3-2015, Christian D., Sean O., Ministère public c/ Skype Ltd et Skype Software Sarl. (2) Voir le post du 04-06-2015.

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Juristendances Informatique et Télécoms n°155-2015

L’édito de la Lettre Juristendances Informatique et Télécoms du mois de mars est consacré à l’avis que vient de rendre la Commission d’accès aux documents administratifs sur la communication du code source du logiciel simulant le calcul de l’impôt sur les revenus.

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Audit de licences Oracle et action en contrefaçon

Le TGI de Paris a rendu sa réponse concernant le conflit qui opposait l’AFPA à la société Oracle sur l’audit de licences lancé par l’éditeur : l’utilisation d’un logiciel hors du périmètre des droits cédés ne peut faire l’objet d’une action en contrefaçon, mais seulement d’une action en responsabilité contractuelle. En 2002, l’AFPA (Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes) a attribué un marché de fourniture de services informatiques à la société Sopra Group, elle-même prestataire agréée de la société Oracle. En 2005, à la fin du marché, la société Oracle reprend l’ensemble des contrats et organise un premier audit de licences, puis un second, qui révèle, selon Oracle, que l’AFPA utilise 885 licences du logiciel Purchasing non compris dans le « pack » logiciel objet du marché de 2002. Les sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation et Oracle France assignent l’AFPA pour contrefaçon de logiciel. L’AFPA fait remarquer que le logiciel Purcahsing est bien compris dans la suite logicielle objet du contrat de 2002, et si tel n’est pas le cas, le contrat a néanmoins été exécuté de bonne foi par elle puisque le logiciel Purchasing a été installé sur son système par la société Sopra, intégrateur mandaté par Oracle, et appelée en garantie par l’AFPA. Le tribunal juge que le litige entre les parties ressort exclusivement du champ de la responsabilité contractuelle et déclare les sociétés Oracle Corporation et Oracle International irrecevables pour défaut d’intérêt à agir, ainsi qu’Oracle France, les demandes de cette dernière étant prescrites (1). Le Tribunal retient que l’AFPA n’a pas réalisé elle-même l’installation du module litigieux, et qu’Oracle ne soutient pas que le module litigieux ait été « cracké ». En cela, le tribunal se place visiblement dans le sillon de jurisprudences récentes en matière de licence de logiciels, qui considèrent qu’il n’y a pas atteinte au droit d’auteur, mais simple non-respect d’une obligation contractuelle de ne pas faire, lorsque l’utilisateur légitime d’un logiciel procède à une modification du périmètre d’utilisation de celui-ci sans l’accord de l’éditeur. Cette solution n’est pas entièrement satisfaisante en l’espèce, dans la mesure où les contrats de licence ne semblent pas faire référence au module Purchasing, empêchant par conséquent de considérer l’AFPA comme un utilisateur légitime de ce module. En l’espèce le reproche adressé par Oracle à son client semble plus tenir à l’utilisation sans licence d’un module qu’à un dépassement de la capacité d’utilisation. La motivation du Tribunal, à propos du droit d’utilisation du module Purchasing par l’AFPA, peut surprendre, dès lors qu’il estime que l’installation du module Purchasing sur le système de l’AFPA signifie que cette dernière dispose des droits pour l’utiliser. Une telle approche est difficilement conciliable avec les dispositions de l’article L122-7 du Code de la propriété intellectuelle (2) ou encore de celles de l’article L111-3 (3). L’assimilation de la livraison du module litigieux au transfert d’un droit d’utilisation sur celui-ci reviendrait alors à créer une présomption de cession pour les licences de logiciels marquant ainsi une singularité supplémentaire pour cette catégorie d’œuvre. En pratique, la majorité des logiciels de type « ERP » sont fournis avec l’intégralité des modules sans que les droits d’utilisation soient concédés pour tous les modules livrés. Aussi, le tribunal n’a-t-il pas simplement voulu sanctionner le comportement abusif d’Oracle, qui a fait pression sur son licencié en réalisant un audit de licences peu avant le renouvellement du marché afin d’en obtenir l’attribution. Oracle n’ayant pas été retenu, elle a d’ailleurs notifié à l’AFPA les conclusions de l’audit de licences et initié par là-même le présent litige. La portée de la présente décision est à relativiser et la position de la Cour d’appel de Paris sera analysée avec beaucoup d’attention. Un contrat de licence, tout particulièrement lorsqu’il porte sur des produits ou services informatiques complexes, doit envisager avec précision l’ensemble des droits cédés, ainsi que le périmètre d’utilisation. Benoit de Roquefeuil Martin Leny Lexing Contentieux informatique (1) TGI Paris, 3ème ch. 1ère sect. 6-11-2014 (2) Démembrement du droit d’exploitation et interprétation stricte des cessions de droits. (3) Selon cet article, la propriété incorporelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel.

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